c) Un marché publicitaire devenu méfiant…

Nous avons évoqué dans l’étude des éditoriaux que les chiffres donnés par les rédactions concernant les ventes des magazines étaient gonflés et ne relataient pas la réalité des ventes sur le marché. Faute d’avoir été encore contrôlés par les organismes de calculs des audiences et des diffusions, les magazines donnaient leurs propres chiffres, sans qu’il n’y ait encore de vérification extérieure. La première étude AEPM concernant la nouvelle presse masculine date de septembre 2001 et donne à voir des chiffres bien en deçà de ce que les magazines avaient pu fournir. C’est alors une chute des rentrées publicitaires amorcée bien avant, et ce avec les rumeurs d’une instabilité du marché, de la difficulté de certaines publications…

En septembre 2001, lors de la réunion de rédaction chez FHM, le rédacteur en chef évoque le budget publicitaire inférieur d’un million de francs par rapport au marché normal. Nous avons vu que le rédacteur en chef de M Magazine a lui aussi évoqué le manque de pages publicitaires dans son dernier numéro. Pour le directeur d’édition de FHM, si le marché publicitaire a durement chuté en 2001, c’est qu’ «il y avait un marché général pas bon et puis il y a eu un retournement d’avis sur la presse masculine, il y a 3 ans, les publicitaires ont eu le temps de se remettre parce que les médias il y a 3 ans, c’était tellement hallucinant, on en parlait tellement partout que les publicitaires se disaient qu’il fallait y aller, y être…Donc on a vécu sur ces premiers chiffres-là, sur ces impressions, sur ces relais dans les médias pendant assez longtemps et puis il y a un moment où en phase 2, les gens ont annoncé leurs vrais chiffres et forcément ça descend…» 918 . En distillant des chiffres parfois mensongers, comme nous l’avons montré dans l’analyse des éditoriaux, les magazines masculins ont détourné de leurs formules les publicitaires. Les magazines masculins doivent donc vendre pour attirer la publicité, mais ceci ne bénéficie donc qu’aux magazines dominants, laissant les magazines connaissant des difficultés de ventes avec des difficultés publicitaires.

En cette fin d’année 2002, le secteur publicitaire semble florissant, les publicitaires, après les événements du 11 septembre 2001 qui avaient bloqué beaucoup d’investissements, les ont reportés sur les budgets du début d’année 2002. De plus, désormais ils possèdent les véritables chiffres d’audience et de diffusion des magazines, les enquêtes de lectorat, ce qui leur permet de juger du bien fondé ou non de l’investissement sur une publication particulière… Ainsi, selon le directeur d’édition de FHM, les rentrées publicitaires seraient depuis le début de l’année en hausse de 40%, c’est le même constat qu’effectue le rédacteur en chef de l’Optimum : «on a 62 pages en octobre, ç’est plutôt bien au regard du marché mais c’est un combat de tous les jours» 919 .

Le marché de la nouvelle presse masculine n’est pas aussi florissant qu’espéré par les groupes de presse. Seul FHM tire son épingle du jeu, tout ne restant dans des proportions incomparables avec le marché anglo-saxon. Inadapté à la culture française, aux attentes des lecteurs, la nouvelle presse masculine conserve une image de produit culturel populaire, parfois vulgaire (notamment à cause des photographies de charme) qui joue contre elle, alors que la presse masculine traditionnelle de mode continue à représenter un produit noble, de luxe et tient grâce à de cette image positive, un ancrage sur le marché de la presse pour hommes.

Notes
918.

Propos tenus par le directeur d’édition de FHM lors de l’entretien du 28 août 2002.

919.

Propos tenus par le rédacteur en chef du Magazine de l’Optimum lors de l’entretien du 29 août 2002.