c) L'Ordre de Saint Dominique

Retraçons maintenant l’activité de Hugues au sein de l’Ordre des Frères Prêcheurs. Comme nous l’avons mentionné plus haut, Hugues est déjà maître de l’Université lorsqu’il entre dans l’Ordre de Saint Dominique le 22 février 1226 au Couvent Saint-Jacques de Paris, couvent où il fera sa profession vers 1230. Quant aux circonstances de son entrée dans l’Ordre, nous savons qu’il encouragea Humbert de Romans, le futur cinquième Général de l’Ordre, qui hésitait entre l’ordre de Saint Bruno et celui de Saint Dominique, à prendre l’habit du dernier en ajoutant qu’il le suivrait dès qu’il aurait réglé ses affaires. 23 En effet, comme nous l’avons mentionné ci-dessus, Humbert prit l’habit en novembre 1225 et fut rejoint par Hugues trois mois plus tard.

Dès son entrée dans l’Ordre, Hugues a vite fait une brillante carrière. Deux ans seulement après son engagement, il est appelé à la direction de la province de France. Il est prieur provincial à deux reprises, chaque fois pour remplacer Pierre de Reims : d’abord entre 1227 et 1230, puis entre 1236 et 1244. 24 En 1244, Hugues est remplacé par Humbert de Romans. 25 Entre ses deux provincialats, Hugues fut Prieur du couvent Saint-Jacques de Paris (1233-36) et enseigna à l’Université.   

Tout au long de sa vie, Hugues fut intimement mêlé aux affaires de l’Ordre. Il a joua un rôle actif - mais différent - dans l’élection de deux maîtres généraux. Proche de Raymond de Pennafort, il le soutint lors de son élection en 1238, au chapitre général de Bologne. 26 Selon une légende, cette élection fut orageuse, les participants ne pouvant se décider entre Hugues et Albert le Grand, soutenus respectivement par les Français et les Allemands. Les votes étant toujours divisés à parts égales, « les Pères se retirèrent et ordonnèrent des prières devant le tombeau de saint Dominique. Puis, le lendemain, revenant à la charge, il se trouva que Raymond de Pennafort, dont le nom n’avait pas été prononcé la veille, obtint, au premier tour de scrutin, l’unanimité des suffrages. » 27 Le Père Mortier réfute cette légende en s’appuyant sur l’autorité de Bernard Gui, qui affirme simplement que l’élection eut lieu à l’unanimité et au premier scrutin : concorditer ab omnibus in primo scrutinio eum nominaverunt. 28 Toujours est-il que Hugues fut à la tête d’une délégation chargée de convaincre Raymond d’accepter d’être général. 29 Lorsque deux ans plus tard ce dernier eut donné sa démission, Hugues fut nommé vicaire général de l’Ordre (entre 1240 et 1241), fonction qu’il garda jusqu’à la promotion de Humbert de Romans au généralat. En sa qualité de vice-général, Hugues présidait le Chapitre de Paris - en 1241 - où fut élu le quatrième maître général : Jean le Teutonique. 30

Hugues remplit ces hautes fonctions durant la phase d’expansion des Dominicains. Favorable à la progression de son Ordre, il prit part à la fondation de plusieurs couvents dominicains dont celui de Dijon, Bourges, Coutances, Auxerre, Amiens, Tours, Bergues et Toul. C’est en sa qualité de provincial que Hugues fit une visite au couvent de Liège, en 1240, où il fut confronté au projet de l’institution d’une nouvelle solennité, la Fête-Dieu, que nous examinerons plus loin.

Notes
23.

Rappelons à nouveau le texte célèbre, cette fois citant Quétif-Echard : « Locutus est (Humbertus) domino Hugoni, qui factus est postea cardinalis, qui fuerat magister suus, et revelavit ei propositum suum, confidens quod eum non impediret, quia bonus homo erat et bachellarius jam in theologia. Quo audito ipse gratias agens Deo confortavit eum dicens : sciatis magister, quod etiam ego hoc idem proposui, sed non possum statim intrare, quia habeo expedire quaedam negotia sed intrare secure, et sitis certus quod ego vos sequar. In festo igitur B. Andreae ipse, et dominus Hugo in sequenti quadragesima in cathedra B. Petri ordinem sunt ingressi. », in. Quétif-Echard, Scriptores Ordinis Predicatorum, Paris, 1719, p. 196.

24.

A. Paravicini Bagliani, Cardinali di Curia, op. cit. p. 261. Voir aussi, M.-D. Chapotin, Histoire des Dominicains de la Province de France, tome I., Rouen, 1898. p. 364-65.

25.

M.-D. Chapotin, Histoire, op. cit. p. 367.

26.

Voir : J. Constant, La vie de saint Raymond de Pennafort, troisième général de l’ordre de Saint-Dominique, Paris, 1888.

27.

Mortier, Histoire des Maîtres généraux de l’Ordre des Frères Prêcheurs, tome. I. Paris, 1903, p. 256-257.

28.

Voir : Mortier, Histoire des Maîtres généraux, op. cit. p. 257. De même nous pouvons lire qu’après avoir prié saint Dominique, «ecce exeunt de camera electores et vocantes ad capitulum frates pronuntiant fratem Raimundum de Pennaforti concorditer ab universis electum in Magistrum Ordinis Fratrum Praedicatorum. » (In. Raymundiana, (ed.) F. Balme, C. Paban, J. Collomb, MOFPH, IV/2, p. 76.

29.

Mortier, Histoire, op. cit. p. 258.

30.

Glorieux, Répertoire, op. cit. p. 43