d) Carrière ecclésiastique

Le zénith de la carrière ecclésiastique de Hugues fut atteint avec son investiture au cardinalat: Hugues fut nommé cardinal-prêtre du titre de Sainte-Sabine le 28 mai 1244. 31 Voulant se rendre à Rome pour son investiture, il rejoignit le pape en route vers la France. Cette rencontre eut lieu à Suse, où Hugues fut investi du cardinalat. Selon Beryl Smalley, une des raisons principales de sa nomination est que Innocent IV voulait renforcer ses appuis dans la lutte renouvelée contre l’empereur Frédéric II. En outre, le pape cherchait à apparaître comme le pasteur suprême; aussi promut-il au cardinalat trois maîtres en théologie - dont deux séculiers: Eudes de Châteauroux, Pierre de Bar et le dominicain Hugues de Saint-Cher. Dès lors, Hugues dut ranger l’Ordre des Prêcheurs derrière le pape, mission dont le nouveau cardinal était conscient si l’on en croit le témoignage de ses postilles sur les Evangiles et de sa Questio Disputata. 32

Promu cardinal, Hugues doit quitter Paris pour aller à Rome en 1244, mais nous le retrouvons en France l’année suivante en compagnie du pape Innocent IV car, même si les documents conservés ne le mentionnent pas nommément, Hugues a sans aucun doute  assisté au concile de Lyon de 1245.

Bénéficiant de la confiance des papes successifs, Hugues fut chargé de plusieurs missions pontificales. En 1233, Grégoire IX l’envoie en Orient comme nonce apostolique afin de travailler au rattachement de l’Eglise grecque à l’Eglise latine, mais ses démarches auprès de l’empereur Valace ainsi qu’au concile de Nymphée demeurèrent infructueuses. 33 Déjà chargé de fonctions diplomatiques par Innocent IV en 1243 et 1244 en Germanie, il y retourne en qualité de légat entre 1251 et 1253 pour soutenir les intérêts du pape contre ceux du candidat à l’Empire d’Allemagne, Guillaume de Hollande. A trois reprises, le pape Alexandre IV nomme Hugues membre d’une commission de cardinaux ayant pour mission d’examiner les œuvres de Gui de l’Aumône, de Gérard de Borgo San Donnino et de Guillaume de Saint-Amour. 34 Hugues bénéficia donc d’une grande confiance de la part des papes; c’est du moins ce que nous pouvons conclure du fait que deux d’entre eux lui conférèrent toute responsabilité sur des ordres religieux. Le premier, Innocent IV, confia à Hugues la révision de la Règle de l’Ordre des Carmes, mission que le cardinal a accomplie remplit avec succès. 35 Le second fut Alexandre IV, lequel conféraà Hugues de Saint-Cher un pouvoir absolu sur la Règle de l’Ordre des Frères Prêcheurs, qu’il ne semble cependant pas avoir modifiée en substance. 36 Notons enfin que Hugues accomplit également des missions en tant que légat en France septentrionale et au Danemark. C’est d’ailleurs pendant son séjour à Liège qu’il intervient intervint pour l’institution de la Fête-Dieu. 37  

Notes
31.

« Post haec cernens igitur Dominus Papa se plurimum fratrum indigere consilio, cum non essent tunc nisi septem in Ecclesia Cardinales, primo anno pontificatus sui in Ecclesia beati Petri Apostoli de Urbe sabbato infra octavam Pentecostes XII. Cardinalium, videlicet trium Episcoporum, et trium Presbyterorum, ac sex Diaconorum ordinatione decentissima Ecclesiam adornavit. » (Nicolas de Curbio OFM., Vita Innocenti Papae IV., In. Mansi, /Stephani Baluzii tutelensis miscellanea novo ordine digesta. Opera ac studio Joannis Dominici Mansi Lucensis/ p. 197. XII.) Voir aussi : A. Potthast, Regestra Pontificum Romanorum, Paris, 1875, p. 969. Gérard de Frachet écrit : « Huius tempore frater Hugo de sancto Teodorico diocesis Viennensis prius magister theologie Parisius, post prior provincialis Francie, promotus est in cardinalem presbiterium tituli sante Sabine, qui multa bona fecit ordini et toti ecclesie Dei. » (Gerardus de Fracheto, Vitae Fratrum, Louvain, 1896, p. 332.)

32.

Voir : B. Smalley, The Gospels in the Schools, London, 1985, p. 143.

33.

Cette première mission a donné lieu à une controverse qui n’est point attestée par des documents contemporains. A. Touron a identifié ‘Hugues’ comme un des ambassadeurs envoyés par Grégoire IX à Constantinople, en 1233. En revanche, Quétif-Echard doute de la réalité de ce fait en évoquant que cette année-là Hugues, suivant les cours de licence, ne pouvait effectuer un tel voyage. Quant à Mortier, il souligne que les preuves manquent pour affirmer ou réfuter la participation de Hugues à cette mission. (Voir : A. Paravicini Bagliani, Cardinali di Curia, op. cit. p. 260.)

34.

Voir : H. Denifle, Chartularium, t. I. p. 303, n. 265, p. 330-333 et 337-38. Voir aussi : Mortier, Histoire des Maîtres généraux, t. I. op. cit. p. 470.

35.

Mortier, Histoire des Maîtres généraux, t. I., op. cit. p. 322.

36.

A. Paravicini Bagliani, Cardinali di Curia, op. cit. p. 263.

37.

Au sujet de l’action de Hugues à Liège, pendant sa légation, voir : E. Schoolmeesters, Les actes du cardinal-légat Hugues de Saint-Cher en Belgique durant les années de sa légation, 1251-53, In. Leodium (Chronique mensuelle de la société d’art et d’histoire du diocèse de Liège), Nov. 1907, p. 150-179. _