CHAPITRE II.
Hugues de Saint-Cher exégète, théologien et prédicateur

Lorsqu’on examine les œuvres de Hugues de Saint-Cher, on distingue fondamentalement trois facettes de son activité en fonction des catégories modernes des domaines du savoir. 59 Premièrement, le cardinal fut l’auteur et l’instigateur de travaux bibliques ou exégétiques. Le fleuron de ses œuvres autour de l’Ecriture fut le célèbre commentaire biblique intitulé Postillae in Bibliam. Deuxièmement, il a produit une œuvre de théologie spéculative, dans son commentaire des Sentences de Pierre Lombard, puis à l’occasion de prises de position liées aux débats scolastiques de son temps (Questiones variae, Questio de beneficiis ecclesiasticis). Finalement, Hugues a composé des œuvres de pastorale : un traité sur la messe (Tractatus super Missam sive Speculum ecclesiae) 60 et plusieurs recueils de sermons modèles pour les dimanches (Sermones dominicales): sermones de evangeliis dominicalibus ; sermones de epistolis dominicalibus ; sermones de epistolis et evangeliis dominicarum. 61 On lui a attribué à tort, en revanche, un traité sur la confession. 62

Cette distribution place à l’évidence Hugues de Saint-Cher dans la ligne de l’activité intellectuelle des théologiens actifs dans les milieux des écoles parisiennes depuis la fin du XIIe siècle. La place dévolue à l'exégèse, au débat dialectique et à la prédication suggère plus précisément le modèle explicité par Pierre le Chantre, qui écrit dans son « Verbum abbreviatum » : In tribus igitur consistit studium sacrae Scripturae : circa lectionem, disputationem et predicationem. 63 Il conviendra donc, après un rapide bilan des connaissances actuelles, de consacrer dans ce chapitre une attention particulière aux deux domaines majeurs de l’œuvre exégétique et de l’œuvre théologique, avant d’aborder dans le chapitre suivant l’œuvre de prédication dans son contexte.

Notes
59.

Seront laissées de côté les Epistulae, Declarationes, Litterae indulgentiarum (Voir : Th. Kaeppeli O. P., Scriptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi, vol. II. G-I., Romae ad S. Sabinae, 1975. p. 280)

60.

Voir : G. Sölch, Hugonis a S. Caro tractatus super Missam seu Speculum Ecclesie, Münster, 1940. Voir aussi : Idem, Hugo von St Cher und die Anfänge der Dominikaner-liturgie. Liturgiegeschichtliche Untersuchung zum Speculum Ecclesiae, Cologne, 1938. Ce traité paraît avoir influencé, entre autres, Guillaume de Gouda, frère mineur au XVe siècle, auteur de l’Expositio mysteriorum misse et verus modus rite celebrandi, parue à Cologne en 1484 (In. Dictionnaire de Spiritualité, t. VI. col. 1208). Par ailleur, cet ouvrage s’inscrit dans une longue tradition illustrée par Raban Maur, Isidore de Séville, Innocent III, Jean Beleth, Guillaume Durand de Mende (D.S. t. VI. col. 1223).

61.

La première série (Sermones de evangeliis dominicalibus) comprend 126 sermons, tandis que la deuxième (Sermones de epistolis dominicalibus) en contient 60. Quant à la troisième série (Sermones de epistolis et evangeliis dominicarum), elle renferme 116 sermons. Sur ces oeouvres en particulier, voir le chapitre suivant.

62.

Kaeppeli, Scriptores, II. p. 280-281. Voir en particulier: P. Michaud-Quantin, Deux formulaires pour la confession du milieu du XIIIe siècle, In. Recherches de Théologie Ancienne et Médiévale, XXXI (1964), p. 43-62, avec l’édition du texte (p. 48-57). Dans la première partie de l’article, Michaud-Quantin traite de l’authenticité et du contenu du texte et il suggère que l’auteur du traité - probablement un confrère de Hugues - aurait modifié le commentaire de Hugues sur la Bible, ainsi cette œuvre aurait été composée ‘secundum Hugonem’ ou ‘ad mentem Hugonis’ (p. 40).

63.

Petrus Cantor, Verbum abbreviatum, chap. 1. PL. 205, col. 25 AB