Une deuxième concordance – appelée « concordance anglaise » - a essayé de remédier à ce problème en faisant apparaître chaque mot dans son contexte intégral. Néanmoins, péchant par ‘excès de zèle’, les frères anglais de Saint-Jacques ont alourdi le système de référence qui rendait difficile son utilisation. Cette concordance fut composée vers le milieu du XIIIe siècle - probablement vers 1252 - mais les deux dates charnières marquant les deux pôles de sa rédaction sont celles de la compilation de la première et de la troisième concordance, soit 1240 et 1275. 121 Cette entreprise que nous n’examinerons pas en détail - est indépendante de la première concordance et il n’en reste aujourd’hui que des exemplaires abrégés ou condensés.
L’œuvre qui a servi de base pour les concordances modernes était une troisième compilation. La preuve de l’impact de cette concordance est le nombre élevé de ses manuscrits conservés : en effet plus de 80 manuscrits nous sont parvenus, copiés en majorité à Paris entre 1280 et 1330. 122 Ce succès est dû en partie au choix méthodologique de son système de référence : cette concordance a réussi à garder le juste milieu en ajustant la longueur du contexte cité à des proportions raisonnables. Une autre raison de sa diffusion est ‘extra-textuelle’ : ce travail accompli avant 1275 bénéficiait d’une large diffusion grâce à sa publication en peciae par les libraires-stationnaires de l’Université de Paris. Si la concordance de Hugues, de format portatif, était composée surtout à l’usage des Dominicains, cette troisième concordance était destinée surtout aux prélats, à en croire la taille des manuscrits, ainsi que leurs aspects souvent luxueux.
L’importance de ces concordances - instruments de travail indispensables - a dépassé le cadre des simples accessoires. Outils par excellence pour les exégètes du XIIIe siècle, les concordances permettent un meilleur repérage du texte biblique. En outre, ces concordances ont transmis à d’autres genres leur système de référence (‘A-G’) issu de Saint-Jacques : notamment à la littérature exégétique et homilétique. De même, les concordances remplissaient d’autres fonctions : elles servaient avant tout pour la composition des collections de distinctions, dont celle du dominicain Nicolas de Gorran. 123 De plus, elles constituaient un outil pour la rédaction des différents ouvrages et des traités. Etienne de Bourbon était parmi les premiers à se servir largement de ces concordances dans son recueil d’exempla intitulé : Tractatus de diversis materiis praedicabilibus, écrit entre 1250 et 1261.
Pourtant, les plus grands bénéficiaires des concordances verbales étaient probablement les prédicateurs. Ces derniers avaient accès de plus en plus aux concordances pour la rédaction de leurs sermons. Les preuves sont multiples : Au-delà de l’adaptation du système de division des concordances dans les sermons, il existe un autre indice de l’utilisation des concordances dans les œuvres oratoires. Si les sermons prêchés à l’Université de Paris ne révèlent aucun usage massif des chaînes d’autorités avant la fin du XIIIe siècle, l’apparition de ces autorités en grand nombre est en toute évidence due aux concordances qui - rappelons-le - dès la fin du XIIIe siècle sont largement diffusées par les stationarii de l’Université. 124 Vers 1340 les manuels à l’usage des prédicateurs, y compris des artes praedicandi, présupposent que le prédicateur dispose d’une concordance. 125
Au début de cette chaîne se trouve la première tentative dominicaine, dirigée par Hugues de Saint-Cher. Bien que cette concordance n’eût pas de répercussion immédiate, ni une diffusion large en dehors de l’Ordre, elle était souvent la référence même des concordances ultérieures.
M. A. et R. H. Rouse, The verbal concordance to the scriptures, AFP XLIV, (1977), p. 6.
M. A . et R. H. Rouse, La concordance, op. cit. p. 119.
R. H. et M. A. Rouse, The Verbal concordance, art. cit. p. 23.
Ibidem, p. 24.
R. H. et M. A. Rouse, La concordance, art. cit. p. 121.