1. Une nouveauté du XIIIe siècle

La définition du terme ‘postille’ soulève quelques questions. Il n’existe que deux commentaires appelés Postille : le premier date du XIIIe siècle et il est dû à Hugues de Saint-Cher, le second provient du XIVe siècle et il a pour auteur Nicolas de Lyre. Le trait commun de ces postilles est qu’elles commentent tous les livres de la Bible et qu’elles étaient composées avec la volonté délibérée de fournir un outil standard à un public non spécifié. Ces postilles ont le rôle d’expliquer les textes bibliques d’après les quatre sens de l’Ecriture en fournissant des interprétations littérale (ou historique), allégorique, morale (ou tropologique) et - exceptionnellement - anagogique de tous les livres bibliques. L’importance de cette quadruple fonction se manifeste par le fait qu’elle figure dans le titre même d’une édition du XVIIIe siècle: Postillae in universa Biblia iuxta quadruplicem sensum : literalem, allegoricum, moralem, anagogicum. 128

Quant à l’usage du terme même de ‘postille’, dans la suite nous nous en tiendrons à la proposition de Gilbert Dahan et nous parlerons de « postilles » comme unités constituant une « Postille », commentaire d’un ou plusieurs livres bibliques. 129

En ce qui concerne la question de la forme, la Postille constitue une expansion ou une systématisation de la Glossa ordinaria : elle est brève tout en restant un commentaire continu, à la différence de la glose. La postille a fait concurrence à la Glose en offrant une version actualisée de celle-ci  : ainsi Hugues a offert un supplément indispensable de la Glose. 130 L’objectif de Hugues était de fournir aux maîtres et aux étudiants de la Sacra pagina un instrument de travail important, en y incorporant des sources traditionnelles - comme les différentes gloses - et quasi contemporaines.

La principale nouveauté de la Postille de Hugues par rapport aux commentaires des maîtres du XIIe siècle était l’ambition d’expliquer l’ensemble des textes bibliques. En outre, le commentaire de Hugues - en prenant une distance vis-à-vis de l’Ecriture - a permis l’évolution de la pensée théologique, progrès qui se manifeste dès le milieu du XIIIe siècle. Finalement, le caractère même du commentaire a changé : la fin de la suprématie du sens moral et la priorité donnée aux quatre sens de l’Ecriture montrent un développement de la technique ‘langtonienne’ et ‘victorine’.

Notes
128.

Le titre propre d’une édition de Venise que j’ai utilisée: Hugonis de Sancto Charo, Postillae in universa Biblia juxta quadruplicem sensum literalem, allegoricum, moralem, anagogicum, Venise, 1703.

129.

G. Dahan, L’Exégèse, op. cit. p. 128-129.

130.

B. Smalley, The Study of the Bible, op. cit. p. 273.