III. Hugues de Saint-Cher et la théologie

« Sans doute y aurait-il quelque intérêt à chercher à préciser la doctrine spirituelle de Hugues de Saint-Cher. Il vaudrait la peine d’entreprendre ce travail. » Ce propos d’André Rayez 179 montre que le rôle de Hugues de Saint-Cher, en tant que théologien, est très peu étudié, pourtant il mériterait plus d’attention. 180 En effet, nous verrons que l'apport théologique de Hugues - du reste difficile à déterminer - est plus un arrangement des savoirs théologiques qu'une invention des idées originales. A titre d'exemple, parmi les textes récemment étudiés, la question de Hugues sur la prophétie 181 est apparue comme la plus importante des six questions disputées sur ce sujet - contenues dans le manuscrit de Douai 434 - tant par son étendue matérielle que par son contenu doctrinal. 182 Or, les problèmes soulevés par Hugues dans cette questio n’étaient pas inconnus à l’époque, ils ont constitué davantage un recensement des questions que l’on trouve déjà chez d’autres auteurs, tels Philippe le Chancelier, Guillaume d’Auxerre, Godefroid de Poitiers ou Etienne Langton. 183 Néanmoins, le père Torrell conclue que si l’écrasante majorité du texte du De prophetia est empruntée à Guillaume d’Auxerre et à Philippe le Chancelier, il n’en reste pas moins vrai que Hugues « propose des vues vraiment personnelles et assez originales pour préfigurer celles de Thomas d’Aquin. » 184 La question reste à savoir quel fut l'apport de Hugues, en matière de théologie, par rapport à des œuvres importantes, telles les Sentences de Pierre Lombard.

Notes
179.

Dictionnaire de Spiritualité, t. VII, Beauchesne, Paris, 1969, col. 900.

180.

Dans cet ordre d’idée, donner un élan aux recherches sur la conception théologique de Hugues était un des objectifs du Colloque international organisé à Paris au mois de mars 2000. (Voir supra)

181.

J.-P. Torrell, Théorie de la prophétie et philosophie de la connaissance aux environs de 1230. La contribution d’Hugues de Saint-Cher. (Ms. Douai 434. Question, 481) Spicilegium sacrum Luvaniense 40, Louvain, 1977

182.

J.-P. Torrell, Théorie de la prophétie, op. cit. p. XV.

183.

J.-P. Torrell, Théorie, de la prophétie, op. cit. p. XX et 61-87. Les différents problèmes examinés par Hugues dans son De prophetia sont les suivants: 1. Quid sit prophetia ; 2. Quid sit videre in speculo ; 3. De speciebus prophetie ; 4. De officio prophetarum. Selon le père Torrell, malgré les emprunts à des auteurs différents, la questio 481 est l’œuvre de Hugues au sens propre du mot. (Op. cit. p. 87.)

184.

J. P. Torrell, Théorie de la prophétie, op. cit. p. 281-82. Selon le Père Torrell, « neuf-dixième du texte de Hugues sont des emprunts littéraux ; sept d’entre eux environ proviennent de la Summa de bono de Philippe, les deux autres de la Summa aurea de Guillaume d’Auxerre… Le plus étonnant est que ce texte-mosaïque, apparemment recomposé de toutes pièces, trahit la présence d’un auteur très conscient de ses choix. » (Op. cit. p. 62-87 et 281.)