Conclusion

Après le parcours des différents recueils de sermons modèles produits aux XII-XIIIe siècles, nous constatons que les sermons de Hugues de Saint-Cher ne présentent pas de différences majeures par rapport aux autres œuvres oratoires. L'objectif de ces instruments de travail étant le même - fournir une aide efficace aux prédicateurs pour la préparation de leurs sermons - il s'avère que la principale différence entre ces outils réside dans leur forme.

Parmi les sermonnaires du XIIe siècle, la collection de Hugues de Saint-Cher peut être apparentée au recueil de Raoul Ardent. Ce dernier a proposé systématiquement deux sermons pour le même dimanche, procédé que Hugues a adopté avec plusieurs de ses contemporains. De même, Hugues s'insère dans la tendance de la fin du XIIe siècle - représentée en premier lieu par Raoul - qui consiste à adopter une approche morale et à manifester un souci des destins individuels des fidèles.

Une autre nouveauté des sermons modèles du XIIIe siècle réside dans la méthode du développement. En effet, la technique traditionnelle du développement d'une homélie qui consistait à commenter toute la péricope s'effaçait progressivement au profit de l'exposition du verset thématique. Ainsi, les sermonnaires d'Alain de Lille et de Raoul Ardent présentent une transition entre l'homélie et le sermon du XIIIe siècle. Hugues se sert des éléments des deux méthodes, en mettant l'accent sur l'exposition du verset thématique.

La principale différence du recueil de Hugues par rapport aux autres collections de sermons réside dans la composition des recueils. De fait, les sermons des auteurs du XIIe siècle, tels Honorius Augustodunensis, Maurice de Sully, Alain de Lille et Raoul Ardent sont déjà organisés en deux séries - de tempore et de sanctis. Ce système sera adopté définitivement par les prédicateurs du XIIIe siècle: on retrouve massivement les deux séries chez des auteurs tels Jean d'Abbeville, Guiard de Laon, Guillaume d'Auvergne ou Antoine de Padoue. Or, Hugues ne suit pas cette tendance: il a constitué essentiellement un cycle de tempore: face à 418 sermons du temps, il a rédigé onze sermons des saints.

Notons que certaines similitudes peuvent être constatées dans la carrière des auteurs de sermons modèles qui étaient souvent de hauts dignitaires ecclésiastiques - chanceliers ou évêques. De même, si les principaux producteurs de sermons modèles ont été d'abord des hauts dignitaires ecclésiastiques, on peut également observer l'inverse: avant d'être promus, la plupart des chanceliers parisiens furent d'éminents prédicateurs. Ces auteurs ont rédigé des collections de sermons à la fin de leur vie. Or, croyons-nous, il n'en était pas de même pour Hugues: nous supposons que les sermons de Hugues furent rédigés dans la période parisienne, soit avant sa promotion au cardinalat (1244).

Quant aux frères mendiants, outre le parcours semblable des carrières de certains - tels Pierre de Reims et de Hugues de Saint-Cher - leurs œuvres montrent certaines similitudes notamment au niveau de la taille des œuvres. En revanche, les collections de Pierre et de Hugues sont articulées différemment. Une différence notable réside dans l'agencement des séries de sermons : Hugues distingue les sermons des évangiles et les sermons des épîtres, tandis que chez Pierre de Reims ces deux types de sermon sont disposés dans un même cycle.

Nous avons vu que le sermonnaire de Hugues de Saint-Cher ne diffère pas substantiellement des autres recueils du même type, le peu de différences par rapport aux autres sermons modèles résidant dans la forme fortement abrégée des sermons. En effet, on constate naturellement que la forme sèche, souvent squelettique des sermons de Hugues fait contraste avec l'opulence des sermons du XIIe-XIIIe siècles. Enfin, nous sommes convaincu que dans cette catégorie d'instruments de travail c'est la structure des textes qui compte, structure que par ailleurs les manuscrits montrent dans leur représentation. Dans les sermons de Hugues de Saint-Cher cette structure est déterminée par une technique exégétique: la distinctio. Aussi avons-nous décidé de consacrer le chapitre suivant à l'étude des distinctions.