La fréquence des questions morales exprimées par des distinctions dépasse celle des sujets théologiques et doctrinaux. Si la question des péchés fait évidemment objet de nombreuses distinctions, celles-ci concernent également la pénitence et les bons comportements que l'homme devrait adopter. Hugues utilise en effet volontiers la forme de la distinction pour décrire les obligations des fidèles, pour donner des préceptes.
Péchés et pénitence donnent matière à de nombreuses distinctions. Hugues rapporte que les péchés sont comme les pierres : durs, froids et lourds. 515 Selon une distinction fréquente, l'homme qui veut éviter les péchés doit considérer la grandeur, la multitude, ainsi que la durée de ces vices (magnitudo, multitudo, vetustas). 516 La typologie des péchés, ancrée depuis longtemps dans la tradition, apparaît souvent chez Hugues. Ainsi, tout vice est commis en pensée, en parole ou en acte. Cette triade peccata cogitationis, locutionis, operis forme un topos que Hugues utilise en permanence lorsqu'il veut esquisser une typologie des péchés. 517 Parfois, il ajoute à cet ensemble un quatrième élément : l'habitude (consuetudo). 518 Notons ici que tout comme les péchés, les bienfaits de l'homme peuvent également être accomplis par la pensée, la parole et l'acte. 519
Toujours en rapport avec les péchés, on rencontre souvent un type particulier de distinction qui consiste à énumérer les effets néfastes provoqués par les vices. Cette forme semble être une structure de prédilection de Hugues, qui tente inlassablement de préserver les fidèles des péchés en introduisant des distinctions avec une variante de la formule «peccatum multa mala facit…». Ainsi, Hugues affirme que la fièvre de la luxure - si elle est quotidienne - fait beaucoup de mal : elle refroidit l'homme, rend sa libido ardente, lui fait perdre le sommeil, c'est-à-dire la bonne réputation, l’empêche d’user des membres de son corps, et lui donne la mort éternelle. 520 On retrouve le même type de distinction en matière de péchés : la gourmandise, l'orgueil ou le manque de foi. La richesse, même si elle n'est pas un péché à proprement parler, subit le même traitement. Il est intéressant d'observer que chaque distinction contient de nombreuses parties (cinq ou six), dont la dernière rappelle la conséquence du péché : la damnation (introitum paradisi prohibere, ianuam paradisi claudere, dampnare eternaliter). 521 Notons que cette forme de distinction ne sert pas uniquement à énumérer les maux provoqués par les péchés, mais elle permet également de présenter les biens causés par les bonnes actions : l'humilité, la foi ou la Passion du Christ. De même, les distinctions de ce typesuivent celles sur les péchés correspondants (le manque de foi et l'orgueil) et en constituent un pôle d'opposition. Le dernier membre de ces distinctions précise la récompense pour les bonnes actions (paradisi ianuam aperire, vitam eternam dare, perducere ad regnum). 522 Enfin, signalons au sujet de la composition que les distinctions portant sur les péchés proprement dits sont généralement ternaires, quaternaires ou septénaires, ce dernier type correspondant aux sept péchés capitaux. 523
Peccata sunt similes lapidibus: […] dura, frigida, ponderosa (41/C,1) et (81, 1). Dans d'autres sermons, nous lisons que les cœurs des pécheurs sont: fridiga, dura, vacua a bonis cogitationibus (19, 2), tandis que la dureté de l'esprit orgueilleux est également comparée à la pierre (frigida, infructuosa, dura, ponderosa: 26, 3).
Voir: (30,9) et (72, 1). Notons que Hugues peut ajouter à ces trois qualités une quatrième: l'iteratio (2, 3). Selon une autre variante, la mémoire des péchés est composée de trois éléments : magnitudo, multitudo, turpitudo (125, 2).
Voir: (44, 2), (50, 2), (68, 1), (73, 10) et (79, 1).
De istis ergo lapidibus dicitur: Ponit lapidem super lapidem, id est peccatum super peccatum qui peccato perverse cogitationis que separat a Deo addit : - Peccatum locutionis, peccatum operis, peccatum consuetudinis. (81, 2). De même, selon une variante les pécheurs sont portés vers le tombeau par : Nota quod peccatores (P2: portitores) qui peccatores ad sepeliendum deferunt sunt quatuor: Fidutia vivendi, levigatio peccati, aliene culpe consideratio, venie promissio. Vel quatuor peccatores (P2: portitores) sunt: Operatio, consuetudo, delectatio, desperatio. (98, 3). Notons au passage trois caractéristiques des péchés qui forment une distinction: Respice _peccati: - Brevitatem, vilitatem, difficultatem. (30, 10). Voir aussi: (68, 1). Pour les trois types de péchés (cogitationis, locutionis, operis) voir le chapitre 5.
[Homines] patienter Dominum expectant per triduum suum: - Bone cogitationis, bone locutionis, bone operationis. (72, 3). Ces trois manières de faire du bien sont exprimées d'une manière implicite: Crescamus ergo euntes de virtute in virtutem: Primo per sanctam cogitationem, secundo per devotam orationem, tertio per elemosinarum largitionem. (11, 3).
Hec infirmitas multa mala facit: Primo reddit hominem frigidum. - Secundum ardentem ardore libidinis. - Tertium aufert saporem. - Quarto aufert colorem, id est bonam famam. - Quinto aufert officium omnium membrorum, ut officium manuum ne bene operentur. - Sexto mortem eternam dat. (110, 3)
Gourmandise: (60, 4), orgueil: (101, 1), le manque de foi: (105, 3), la richesse (60, 2).
Humilité: (101, 2), foi: (105, 1), Passion du Christ: (123, 2) et (122, 2-4). Voir aussi: (88, 1) et (35, 2).
Les sept péchés capitaux sont sept maladies que guérissent les sept paroles du Christ pendu sur la croix (21, 1). Ailleurs, les sept péchés sont comparés à sept maladies (110, 2), ou à sept animaux (117, 1). Quant à la liste ternaire et quaternaire - superbia, luxuria, avaritia (et gula) - ils sont mentionnés tout au cours du XIIIe siècle et ils figurent dans nombreuses distinctions (exemples: superbia, avaritia, luxuria: (41/C, 2), (41/C, 6); superbia, avaritia, gula: (47, 2), (63, 1-6), (69, 1-3); superbia, avaritia, luxuria, gula: (123, 1). Pour la liste exhaustive, voir le chapitre 5.