Dieu de justice

Certes, face à cette multitude de références explicites à la miséricorde de Dieu, celles qui renvoient au Dieu de justice sont minoritaires. ⁶⁴⁷ Cette image de Dieu est souvent latente dans les sermons : parfois sous-entendue, elle est omniprésente lorsqu'il est question du jugement dernier. Par ailleurs, ce dernier sujet est extrêmement répandu dans les sermons de Hugues et nous y reviendrons plus loin. Constatons dès à présent que, ne fût-ce que par les nombreuses mentions du jugement dernier, l'image de Dieu jugeant les hommes selon leur mérite est omniprésente tout au long du sermonnaire.

Ici, notre objectif est d'examiner s'il existe, mise à part la miséricorde, un autre attribut associé généralement à Dieu. En effet, Hugues fait souvent mention explicitement du Dieu de justice. Or, l'attribut principal de ce juge est la sévérité (iudicis severitas) et l'inflexibilité. ⁶⁴⁸

Il arrive que les deux attributs de Dieu - misericordia et iustitia - soient mis en parallèle. Ainsi, dans le sermon Dicite filie Syon (Mt. XXI. 5) nous lisons que Dieu qui s'est retiré de l'humanité (en raison des péchés de celle-ci) par la justice, y revient par la miséricorde. ⁶⁴⁹ Inversement, dans le sermon Aperte sunt aures eius (Mc. VII. 34), Hugues expose les trois liens qui empêchent l'homme de confesser ses péchés. Ces trois liens sont la peur de retomber dans le péché, la confiance exagérée qu’il a dans la miséricorde de Dieu, ainsi que le désespoir de ne pas être pardonné. A propos du second lien, Hugues affirme que l'on peut s’en libérer en considérant l'inflexibilité de la justice divine, la sévérité de Dieu (après examen du pécheur), ainsi que la dureté de la menace divine. ⁶⁵⁰

Ces deux exemples montrent que l'image de Dieu que Hugues entendait transmettre  aux fidèles est double : Dieu aime les justes et il accueille avec miséricorde les pénitents, mais il juge sévèrement les pécheurs au jour du jugement. Rappelons derechef la quasi-absence de Dieu vengeur dans les sermons. ⁶⁵¹ Cette omission correspond à l'image de Dieu au XIIIe siècle, lorsque la vengeance divine - au lieu d'être une menace permanente - est davantage associée au jugement dernier.