3. Les doctrines se rapportant à Jésus

Dans les homélies de dimanche, nous trouvons de nombreuses mentions de  Jésus. Ces occurrences sont de deux types différents: dans le premier cas, le thème du sermon est en rapport avec Jésus, sans qu'il soit nécessairement question du Christ dans le développement. Ici, l'explication du passage évangélique qui fournit le thème sous-entend que le sermon porte en définitive sur Jésus. De fait, s'agissant des sermons évangéliques, la plupart des homélies sont basées sur un acte ou sur une parabole de Jésus, ainsi l'examen de ce type de références n'aboutirait à aucun résultat. Dans le second cas, Jésus est nommément désigné dans le développement, souvent dans le cadre d'une doctrine se rapportant à lui. Ces références concrètes à Jésus - bien que moins nombreuses que les renvois implicites - sont d'une grande importance, aussi devons-nous les examiner en détail. 652

Nous savons que certaines périodes de l'année sont particulièrement favorables pour exposer des doctrines au sujet de Jésus. Dans les sermons de Hugues il est surtout question de Jésus pendant la première moitié de l'année liturgique, soit entre l'Avant et la Pentecôte. 653 Pendant cette période de l'année, les thèmes des sermons  suivent les différentes étapes de la vie et de l'activité de Jésus. Ainsi, les neuf sermons prêchés pour la période de l'Avant portent généralement sur la venue du Christ (au sens historique ou spirituel): seuls deux d'entre eux ne le mentionne pas explicitement. 654 De même, les sermons prêchés entre Noël et Epiphanie ont également pour thème un passage évangélique racontant un événement dans la vie de Jésus: la nativité, la circoncision ou le récit de Jérusalem où l'enfant Jésus fut perdu. Là encore, dans certaines homélies Jésus ne fait pas l'objet d'un développement, comme dans le sermon Angelus stetit iuxta illos (Lc. II. 9) qui, tout en racontant un épisode de la naissance de Jésus, traite en réalité des anges gardiens. 655 Outre la période entre l'Avent et Noël,  Pâques est également un temps de l'année où l'on trouve de nombreuses mentions de Jésus, en particulier par rapport à la Passion, à la résurrection et à l'Ascension, sujets auxquels nous reviendrons plus loin. 656

Dans les sermons, on trouve généralement deux regards portés sur Jésus, selon qu'il est contemplé pour lui-même ou offert en modèle de comportement aux hommes. En général, lorsque Jésus est contemplé pour lui-même, sa nature divine est soulignée. Ici, les attributs du Fils sont la sagesse, la miséricorde, la justice, et la gloire. 657 Dans le second cas, où Jésus est offert en modèle de comportement, sa nature humaine est généralement mise en relief. Alors, ses attributs proches à la nature humaine du Christ sont la douceur, la patience, l’humilité et la charité. 658 Ces dernières vertus sont proches des  principes que les religieux devaient adopter pour mener une vie recluse: la pauvreté, la chasteté et l’obéissance, vertus auxquelles Hugues ajoute parfois le travail. 659

Notes
652.

La longue série de sermons qui traitent explicitement de Jésus est la suivante: (1,3-6), (2,1), (4,1 et 2), (7,1), (8,1 et 2), (9,3), (11, 1, 2 et 4), (12, 1 et 2), (13,3), (14, 1 et 2), (17, 1 et 4), (18, 4 et 5), (20,4), (21,1), (22, 1-2), (26,1), (28,1 et 6), (31,1), (33,1 et 2), (34,3), (36,3), (40, 2 et 3), (41/C,5), (42,4), (45,1 et 2), (46,2), (48,1), (49,1), (50, 1), (51,1), (53,1), (56, 2), (57,1), (59,2), (62,1 et 3), (65,1et 2), (67,1 et 3), (70,3), (73,5), (80,1), (83,1), (89,1), (90,1), (97,1), (99,2), (103,1, 2 et 3), (115,1 et 2), (118,5), (122,1-4).

653.

En effet, 70% des sermons traitant de Jésus sont prêchés avant le Pentecôte, et il reste seuls 30% pour le reste de l'année. (33 sermons contre 15).

654.

Les sermons traitant de Jésus sont les suivants: (1,3), (2,1), (4,1), (6,2), (7,1), (8, 1), (9, 3). Ceux où la mention explicite fait carence sont les sermons 3 et 5.

655.

Ainsi, dans le sermon 10 (Ecce positus est, Lc. II. 34) sur la prophétie de Simon le magicien au sujet de Jésus, ou dans le sermon 16 (Cum factus esset Iesus XII annorum, Lc. II. 42), on ne trouve point de mention explicite sur Jésus. Dans ce dernier, Hugues de Saint-Cher se contente de rappeler, au début, qu'il faut raconter le récit de l'Evangile sur l'enfant Jésus. En revanche, dans les autres sermons prêchés entre Noël et Epiphanie on trouve soit une mention, soit - plus souvent - une doctrine au sujet de Jésus: (11, 1, 2 et 4), (12,1), (14,1 et 2), (15,6), (17, 1-4). ž

656.

Ainsi, un tiers des occurrences proviennent de la période entre le début du Carême et la Pentecôte, soit les sermons suivants: (31,1), (33,1 et 2), (34,3), (36,3), (40, 2 et 3), (41/C,5), (42,4), (45,1 et 2), (46,2), (48,1), (49,1), (50, 1), (51,1), (53,1), (56, 2) et (57,1).

657.

«Filius cui attribuitur sapientia dando nobis ut simus sapientes in sermone: - Pie confessionis. […] - Pie correctionis. […] - Devote orationis. […].» (59,2). Nous lisons ailleurs: «Et notandum quod in qualibet visione eius [id est Christi] ipse David qui manu fortis, vel vultu desiderabilis intelligitur: Prima visio misericordie, secunda iustitie, tertia glorie.» (4,1). Hugues précise comment Jésus viendra à la fin des temps pour juger les hommes: «Venientem: - ad iudicandum ut terreantur. […] - ad obiurgandum ut mali confundantur. |…] - ad sententiandum ut puniantur. […] - ad licentiandum ut rapiantur. […]» (4,2).

658.

«Mansuetudo Christi apparuit in tribus, scilicet: - In in dulci responsione. - In moderata correctione. - In benigna admonitione.» (1,5). Sur la patience, l'humilité et la charité du Christ: «Nota quod multa bona facit nobis passio Christi. In hac passione tria considerare debemus, scilicet opus, modum, causam. Nam in opere patientia, in modo humilitas, in causa caritas commendatur.» (122,1). Sur l’humilité du Christ, voir encore: (1,6). _

659.

«Sequitur. Et in signum cui contradicetur. Set quod est signum istud? Audi angelum loquentem ad pastores. Luc. II. (12), Et hoc vobis signum: invenietis infantem, ecce castitas, pannis involutum, ecce paupertas, positum in presepio, ecce humilitas. Hiis signis signantur et armantur milites Christi.» (13,3). Au sujet des attributs de Jésus, nous lisons ailleurs: «A quatuor ventis veni Spiritus, (Eze. XXXVII. 9). Quatuor venti possunt dici: humilitas Christi, [62ra] paupertas Christi, obedientia Christi, labor Christi. Ista dicuntur venti, quia transitoria et quia ad bonum impellunt.» (57,1). Sur la pauvreté du Christ, voir encore le sermon (12,2).