Pour ce qui est de la position théologique de Hugues par rapport aux doctrines sur la Vierge Marie, le dominicain n'a pas tracé de nouvelles voies: il s'est contenté de nuancer les thèses existantes. 705
A l'époque de Hugues, la doctrine de l'immaculée conception était une question controversée. Si les origines de cette thèse remontent à un texte apocryphe rédigé au milieu du IIe siècle - le Protoévangile de Jaques - le premier témoignage d'une fête de la conception ne date que de la fin du VIIe siècle. 706 Ces fêtes furent très tôt accompagnées de controverses: si en Angleterre la ferveur mariale fait adopter cette fête au début du XIIe siècle, 707 en France quelques années plus tard saint Bernard prit positions contre l'introduction d'une nouvelle célébration, le 8 décembre, qui «ne serait pas connue par le rite de l'Eglise, ni approuvée par la raison, ni recommandée par une ancienne tradition.» L'abbé de Clairvaux a ajouté avec vigueur que la Vierge n'a pas besoin de faux honneurs et que l'Eglise vénérait déjà le jour de l'Assomption et également celui de sa naissance, car elle ne doute pas que Marie à reçu in utero la sainteté. 708 Tel sera le comportement des adversaires de la fête de la conception dorénavant: ils reconnaîtront la sainteté de Marie, tout en niant la thèse conceptionniste. Tel semble être la position de Hugues de Saint-Cher qui déclarera un siècle plus tard que la bienheureuse Vierge contracta le péché originel et que par conséquent on ne doit pas fêter sa conception. Ensuite, il a ajouté que «ceux qui la célèbrent doivent avoir en vue la sanctification dont elle fut gratifiée dans le sein de sa mère.» 709
En effet, le XIIIe siècle a apporté une pause dans la célébration de la fête de la Conception et une controverse. Les franciscains prêchaient que la conception de Marie était sans tache, les dominicains affirmaient «qu'aucun être humain né de l'union d'un homme et d'une femme ne pouvait échapper à l'emprise du péché.» 710 Nous pouvons constater que la position que Hugues avait prise dans le débat portant sur le rapport entre la Vierge Marie et le péché originel fut conforme à son appartenance religieuse. Notons néanmoins que, malgré sa réponse négative, la position de Hugues est quelque peu nuancée et elle ne reflète pas cette «opposition irréductible des dominicains à l'égard de la doctrine immaculiste» dont témoignait pendant longtemps son Ordre. 711
Quant aux sermons proprement dit de Hugues de Saint-Cher, on n'y trouve aucune trace de la doctrine de l'immaculée conception. Toutefois, cette omission correspond à l'attitude générale de Hugues qui consiste à ne pas aborder des questions controversées dans son œuvre oratoire.
Voir : B. Merkelbach, Mediatio Beatae Virginis in doctrina Hugonis de S. Caro, In. Angelicum VII. (1930), p. 9-56. Voir aussi : B. Korosak, Mariologia S. Alberti Magni eiusque coaequalium, Rome, 1954.
Il s'agit d'un texte d'André de Crète intitulé «Canon de la conception d'Anne» par référence à la Protévangile de Jacques. (M. Lamy, L'immaculée conception: étapes et enjeux d'une controverse au Moyen Age (XIIe-XVe siècles), IEA, Paris, 2000, p. 28)
La première controverse en Angleterre éclata en 1127-1128. (M. Lamy, L'immaculée conception, op. cit. p. 38.)
Bernard de Clairvaux, Epistola 174, éd. J. Leclercq, C. H. Talbot et H. M. Rochais, Sancti Bernardi Opera omnia, t. VII, Rome, 1974, p. 388, In. M. Lamy, L'immaculée conception, op. cit. p. 42.
«Qui celebrant, debent habere respectum ad sanctificationem eius, qua sanctificata est in utero matris suae.» (Postilla super Eccl. VII., cité d'après Dictionnaire de théologie catholique (DTC), Paris, t. VII. 1921, c. 1069.)
M. Lamy, L'immaculée conception, op. cit. p. 626.
M. Lamy, Immaculée conception, op. cit. p. 626.