e) Les traces d'un enseignement contre les doctrines «hérétiques»

L'activité de Hugues de Saint-Cher se situe principalement dans la première moitié du XIIIe siècle, au moment où le problème de l'hérésie était d'actualité. Ainsi, les positions de Hugues de Saint-Cher au regard des doctrines hérétiques ont une grande importance. Il est donc lieu de récapituler - en guise de conclusion - les lieux stratégiques d'un enseignement à l'encontre des doctrines hérétiques.

Si les mentions directes des hérétiques sont rares dans les sermons, on rencontre de nombreux indices d'un enseignement dispensé contre des doctrines hérétiques. Ainsi, au sujet de la Sainte Trinité, Hugues insiste souvent sur l'égalité des personnes divines, en rejetant clairement la thèse des hérétiques selon laquelle Jésus est envoyé par le Père comme un plus petit est envoyé par un plus puissant. De même, Hugues ajoute l'égalité de la troisième personne: le Saint-Esprit. ⁸⁵⁹ Dans ces passages, la controverse avec les hérétiques est évidente: Hugues fait référence aux hérétiques qui mettent en doute l'unité des personnes divines. Cet enseignement était d'une grande importance aux XIIIe siècle, au moment où la foi trinitaire fut revendiquée comme une marque d’identité des chrétiens par rapport aux autres religions, en particulier l’Islam.

L'autre doctrine visant à corriger une thèse hérétique se rapporte à la double nature du Christ. ⁸⁶⁰ En effet, la doctrine sur la nature humaine et divine de Jésus est largement représentée dans les sermons de Hugues de Saint-Cher, ⁸⁶¹ qui insiste en  particulier sur la doctrine de l'incarnation du Christ. ⁸⁶² Là encore, le grand nombre des occurrences de cette doctrine est, certes, le signe d'un enseignement dispensé à l'encontre des hérétiques.  

Quant aux mentions concrètes des hérétiques dans les sermons, nous n'en trouvons que trois occurrences. Outre le rejet de la doctrine de l'égalité des personnes divines, citée plus haut, nous trouvons deux autres mentions des hérétiques. La première identifie les faux prophètes de l'Ecriture (Attendite a falsis prophetis, Mt. VII. 15) avec les hérétiques. ⁸⁶³ La seconde utilise une image du sermon Beatus venter qui te portavit (Lc. XI. 27) pour préciser que les hérétiques nourrissent les non-croyants. ⁸⁶⁴

Certains indices permettent d'affirmer que Hugues optait pour la répression sans concession des hététiques. En effet, s'il fut en général déterminé à ne pas admettre des exceptions au secret confessionnel, il l'a tout de même tolérée dans le cas des hérétiques. Il a estimé que «le prêtre peut révéler le contenu de la confession de quelqu’un qui s’accuse d’hérésie et qui reste dangereux pour beaucoup de fidèles». ⁸⁶⁵ Notons enfin que le nombre restreint des propos directs portant sur les hérétiques peut être expliqué - en partie - par le souci de Hugues de Saint-Cher de ne pas exposer les questions controversées dans les sermons. ⁸⁶⁶ L'enseignement à l'encontre des doctrines hérétiques est donc sous-jacent, révélé par l'insistance sur certaines doctrines fondamentales de la chrétienté. Enfin, nous observons que les doctrines fondamentales traitées au cours des sermons constituent un véritable  catéchisme personnel de Hugues de Saint-Cher.