Aux antipodes des péchés se trouvent les vertus que chaque fidèle doit pratiquer. Selon Hugues de Saint-Cher, le pécheur est comme la lune qui change régulièrement, tandis que la vie de l’homme juste reste constante dans la prospérité et dans les tribulations. 924 Il faut donc abandonner les vices et aspirer à la paix et à la quiétude en faisant le bien. 925
La première des vertus est l’amour: l'homme doit aimer Dieu, son prochain, ainsi que soi-même, déclare Hugues. 926 L'amour est donc la première obligation vis-à-vis de son prochain, mais au-delà de la charité il faut respecter d’autres préceptes. Ainsi, il faut pardonner les péchés de son prochain et l’inciter à corriger ses fautes. De même, l'homme doit montrer l’exemple, et son devoir est de partager avec l’autrui ses biens temporels. 927 Hugues estime que celui qui nuit à son prochain par l’infamie - et ainsi déplaît par l’impureté de son cœur - n’est pas digne de se présenter devant le Seigneur. 928 Dans le sermon Diliges Dominum Deum tuum (Mt. XXII. 37), l’auteur résume les modalités de l’amour envers son prochain, ainsi que les raisons principales pour lesquelles il faut accomplir cet amour. Dans une distinction complexe, il affirme que l’on doit aimer son prochain par le coeur, par la bouche et par les actes. 929 L’amour du coeur se manifeste lorsqu’on oublie sa rancoeur envers autrui, quand on partage la douleur de l’autre ou qu’on réfléchit sur les besoins de son prochain. De même, l’amour de la bouche est exprimé lorsqu’on réprimande ou réconforte son prochain ou encore quand on prie pour son salut. Enfin, l’amour du prochain est aussi réalisé par l’accomplissement de bonnes actions: en donnant le nécessaire, en exposant en cas de besoin son propre corps pour son prochain, ainsi qu’en lui faisant ce que nous aimerions que l’on nous fasse. 930 Toutes les vertus peuvent donc être accomplies de la même manière que les péchés: par la pensée, par la parole et par les actes. 931 Il suffit donc de bien réfléchir, de bien parler et de bien agir. Notons au passage que Hugues insiste souvent sur ce dernier point: il ne suffit pas d’aimer dans son cœur, encore faut-il accomplir des actes charitables, dont il ne faut jamais se lasser. 932 Parmi les bonnes actions, une place privilégiée est accordée au partage des biens et à l’aumône en général. 933 Néanmoins, Hugues prévient qu’il faut faire ces bonnes actions en secret et non pas ostensiblement, conduit par la vaine gloire. 934
Dans les sermons de Hugues de Saint-Cher, les vertus les plus importantes sont diamétralement opposées aux péchés fustigés: en effet, les vices sont généralement suivis des vertus qui leur correspondent et constituent leur opposition morale. Ainsi, la chasteté, la pauvreté et l’humilité sont contraires à la luxure, à l’avarice et à l’orgueil. 935 Toutefois, il arrive que pour désigner le contraire de cette triade de péchés, l’auteur désigne la pudeur, la paix et la modestie. 936
Parmi les vertus récurrentes on trouve - à côté de l’humilité - la simplicité et la pauvreté, recommandées en particulier pour les religieux. 937 D’autres qualités positives sont la crainte et l’espoir qui sont, selon Hugues, les deux meules qui doivent nous broyer en permanence. 938 En outre, nous retrouvons des vertus, telles l’obéissance, la tempérance et la patience. 939 Notons enfin une image à laquelle Hugues renvoie afin de regrouper toutes les vertus d’un homme juste: selon l'auteur, l'homme devrait se comporter toujours comme un enfant qui est par nature «humble, simple et pur; qui ne rend pas le mal qu’il a subi; qui est sans haine envers l’autrui et qui ne cherche pas à s’approprier la richesse des autres. De même, cet enfant ne désire pas les femmes, suit son père et n’abandonne pas sa mère; il ne commet pas d’injustice, ne cache rien et pleure facilement.» 940
«Sequitur: et luna. Per lunam intelligitur peccator sive stultus qui de vitio in vitium corruit. Eccli. XXVII. (12), Stultus ut luna mutatur. Signum in luna iuxta Ioel. II. (31), est quod luna vertetur in sanguinem. Nomine autem sanguinis peccatum intelligitur iuxta illud.» (3,2). De même, Hugues écrit qu'il ne faut pas changer dans la prospérité, par le transport de l’âme, ni dans les temps difficiles, par le désespoir: «Sequitur. In civitatem que vocatur Naym. Civitas ista que vocatur Naym, que interpretatur commocio, mundum significat qui commovetur : - In prosperis per elationem. - In adversis per desperationem. (97,2).
«Vel exierunt obviam Christo cum ramis. Hoc facit quilibet nostrum, si hanc pacem habeamus: - Cum Deo.[…] - Cum se ipso. […] - Cum proximo.» (43,2). Voir aussi les sermons (27,1) et (40,2).
«Habeat ergo quilibet ne confundatur, et ne eternaliter dampnetur vestem nupcialem, id est caritatem. Et hanc triplicem, scilicet : - Erga Deum. […] - Erga proximum. […] - Erga se ipsum. Eccli. XXX. (24), Miserere anime tue, placens Deo. Quasi dicat : si vis placere Domino, miserere anime tue.» (108,2). Sur l’amour envers son prochain, voir les semons (30,3), (33,2), (90,6) et (102,5-6).
«Redde quod debes, (Mt. XVIII. 28). Notandum quod multa debemus reddere et multis : [...] Proximo debemus : - Temporalium promissionem. […] - Dulcem correctionem. […] - Iniuriarum condonationem». (113,2). De même, nous lisons dans le sermon Respice fides tua (Lc. XVIII. 42): «Respice iuxta te proximum: - Ut ipsum diligas. […] - Ut ipsum corrigas. […] - Ut ipsi provideas.» (30,3). Ou un autre exemple tiré du sermon Diliges Dominum Deum tuum (Lc. X. 27): «Nota quod quatuor modis debemus proximum diligere : - Necessaria ministrando. […] - Correctionem adhibendo. […] - Iniurias dimittendo. […] - Salutem ei optando quam tibi optas.» (90,6).
«Ille ergo non ascendet, qui proximo nocet per infamiam, ideo displicet per cordis immunditiam.» (116,1).
C'est la distinction utilisée aussi à propos de la pénitence, comme nous verrons plus loin.
«Diliges proximum tuum, sicut te ipsum. Et hoc tribus modis : 1. Corde. Et hoc tripliciter : - Rancorem animi deponendo. […] - Eius miseriis condolendo. […] - De eius necessitatibus cogitando. […] 2. Ore. Et hoc similiter tripliciter, scilicet : - Ipsum corrigendo. […] - Ipsum confortando. […] - Pro ipso orando pro invicem ut salvemini. […] 3. Opere. Et hoc similiter tripliciter, scilicet : - Necessaria cum necesse fuerit ministrando. […] - Corpus si necesse fuerit pro ipso exponendo. […] - Ipsi que velimus nobis fieri faciendo. […] Hiis tribus modis supradictis debemus proximum diligere. Et hoc multis rationibus : - Primo quia fratres sumus. […] - Secundo quia similes sumus, et sic dicit Eccli. XIII. (19), Omne animal diligit simile sibi. Sic et Dominus homo proximum sibi. […] - Tertio quia in eadem hereditate participabimus. […] - Quarto quia mandatum inde habemus. […] - Quinto ut exemplo Deum sequamur. […] - Sexto ut Deo et hominibus placeamus.» (102,5).
«Sequitur. Ecce iam triduo sustinent. Triduo sustinent Dominum qui licet in hoc mundo diversa tolerant, tantum patienter Dominum expectant per triduum suum: - Bone cogitationis. […]- Bone locutionis. […] - Bone operationis.» (72,3). Voir aussi le sermon (11,3).
Voir les sermons (9,7), (23,1), (26,5), (27,1), (46,3), (62,3), (75,4), (77,2), (102,5) et (121,1).
Sermons (11,3), (15,7), (43,3), (95,5), (102,5) et (103,7).
«Legitur enim in Exo. IV. (6), quod manus Moysi tracta de sinu leprosa apparuit, reposita autem in sinu, curata fuit. Qui enim opus suum bonum ostendit causa inanis glorie, manum habeat leprosam, et opus habet corruptum perversa intentione sua, quam si manum vellet in sinu reponere, id est opus suum quod facit vellet in occulto facere, curaretur.» (15,1).
«Hiis tribus signis contradicunt: - Luxuriosi. […] - Avari. […] - Superbi. […] Hiis signis ergo Domini contradicunt hoc tria (genera) peccatorum. Unde Ps. (LXIIII. 8), Turbabuntur gentes, et timebunt quia habitant, etc. A signis tuis turbabuntur voluptuosi a signo castitatis, avari a signo paupertatis, superi a signo humilitatis, et tamen sine hiis (signis) non est salus.» (13,3).
«De hac sapientia Iac. III. (17), Que autem desursum est sapientia, primum quidem pudica est, quod est contra luxuriam, deinde pacifica, quod est contra superbiam, modesta, contra avaritiam.» (15,4).
«Sequitur. Et habitavit in nobis. Et hoc tribus de causis: - Ut paupertatem nobis commendaret. Christus enim pauertatem: - Elegit. […] - Predicavit. […] - Commendavit.» (12,1). Voir aussi les sermons (3,1), (13,3), (43,1), (57,1), (101,2) et (125,1). Nous trouvons ailleurs le triangle de la patience, de l’humilité et de la charité: «Nota quod multa bona facit nobis passio Christi. In hac passione tria considerare debemus, scilicet opus, modum, causam. Nam in opere patientia, in modo humilitas, in causa caritas commendatur.» (122,1).
«Mola inferior est spes, que semper firma est, et ista sustentamur ne in foveam desperationis cadamus cum Chaim. Eccli. II. (11), Respicite, filii, nationes hominum, etc. Ysa. XL. (31), Qui sperant in Domino, (mutabunt), etc. Mola superior est timor qui reprimit inferiorem molam, scilicet spem, ne presumamus, et sicut mola superior est semper in motu et in circuitu. Ita timor facit circuire angulos conscientie, ne ibi peccatum aliquod remaneat. Prover. XIV. (16), Sapiens timet, etc. Eccli. XVIII. (27), Homo sapiens in omnibus metuit, etc. Eccli. XI. (27), In die bonorum, non immemor sis malorum, quasi dicat: In die prosperitatis sis memor adversitatis, et in die adversitatis sis memor beneficiorum Dei.» (39,6).
Sur l’obéissance, voir les sermons (2,2), (5,1) et (57,1), tandis que le sermon (107,4) traite de la tempérance et de la patience.…_
«Est puer unus hic, (Ioh. VI. 9). Puer iste quilibet fidelis est, qui dicitur puer per gratiam quam puer habet per naturam. Puer enim : - Humilis est. […] - Simplex est, id est sine plica duplicitatis. […] - Purus. […] - Non reddens malum pro malo, etc. […] - Nullum habet odio. […] - Non querit habere divitias. […] - Mulierem non appetit. […] - Patrem sequitur. A matre non recedit. […] - Iniurias non recolit. […] - Nichil celat. Unde quidam a puero et ebrio extorquetur veritas. […] - De facili lacrimatur.» (125,1).