Si notre objectif était de reconstituer la société en entier à partir des différents groupes sociaux figurant dans les sermons de Hugues de Saint-Cher, si notre but était de capter le regard du prédicateur sur l'ensemble de la société médiévale, nous serions sûrement déçus. En effet, on ne trouve aucune référence à la vision globale de Hugues de Saint-Cher sur la société de son temps. Sauf une seule peut-être, une allusion faite dans le sermon Si offers munus tuum (Mt. V. 23) où Hugues affirme : «Il faut se réconcilier avec son prochain pour que sur la société repose la grâce.» 1085
En l'absence de vue globale sur cette société, nous avons privilégié trois approches différentes. D'abord, une présentation des métaphores et des distinctions communes, ainsi qu'une classification de la société ecclésiale - prélats, clercs et religieux. Ce tableau fut complété par des propos sur la prédication et sur les exclus de la société. Ensuite, une étude des états de vie. Or, en dehors des prélats le seul véritable état de vie est celui des femmes, les autres sont des usages métaphoriques du registre des états de vie. En effet, tout ce que dit Hugues dans le registre des «status» relève de procédés métaphoriques : au lieu de proposer une règle de vie propre à chaque status, l'auteur fait un usage pédagogique des différents états de vie - médecins, avocats ou marchands. Ce terrain culturel commun au prédicateur et à son auditoire est en effet un outil efficace pour l'enseignement doctrinal et moral. Enfin, ces deux approches - fondées sur la société «ecclésiale» et sur les «status» - furent complétées par une troisième, particulièrement parlante pour un frère mendiant : la dichotomie entre richesse et pauvreté. Hugues étend cette catégorisation à l'ensemble de l'humanité - clercs, religieux ou laïcs - pour en faire une opposition de catégories morales : riche et pécheur, pauvre et vertueux.
Bien que l'on n'ait pas dressé ici un tableau complet de la société, de nombreuses figures emblématiques apparaissent cependant dans le miroir que Hugues de Saint-Cher lui tend par le biais d’un genre oratoire - la prédication - qui généralement ne donne pas à voir les personnages de la société médiévale.
«Nota quod reconciliari debet quilibet fratri suo tribus de causis : - Primo ut oblationem dignam Domino offerat. […] - Secundo ut sic vicem pro vice Domino reddat. […] - Tertio ut societas gratiam habeat. Prov. XXII. (26), Noli esse socius, etc.» (71,3).