b) Description des manuscrits

Avant de donner une description des trois manuscrits servant de base à notre travail, nous souhaiterions présenter brièvement les témoins disponibles des sermones de evangeliis dominicalibus. En effet, les manuscrits contenant les sermons des évangiles de Hugues de Saint-Cher sont dispersés dans plus de vingt bibliothèques de pays différents. Outre la liste connue du Repertorium de Schneyer, 1092 nous avons également connaissance de deux autres manuscrits, l'un provenant de Toulouse, l'autre de Budapest. 1093  Parmi ces nombreux témoins, nous avons consulté – du moins partiellement – les sept manuscrits de la Bibliothèque Nationale, celui de la Mazarine et celui de Budapest. La liste des manuscrits consultés est donc la suivante : Mazarine 1026 ; Paris, BN. lat. 3498 ; 13581 ; 14956 ; 15946 ; 15960 ; 16473, 16503 et Budapest, OSZK,MNY. 79. Rappelons derechef qu'à l’exception des deux manuscrits qui constituent la base de notre édition et qui ont été signalés ci-dessus - Pm = Mazarine 1026, P2 = Paris BN. lat. 15946 (auxquels on ajoutera pour les lectures difficiles P1 = lat. 3498) - le reste de la tradition manuscrite n’a pas fait l’objet d’un examen systématique; aussi les indications que nous donnons ci-dessous sont-elles à considérer comme des observations personnelles ou des contributions, en aucun cas comme les conclusions d'un examen exhaustif.

Notons de prime abord la présence d’un «intrus», celui de Paris, Nat. lat. 15690, qui contient des sermons totalement différents de ceux de Hugues de Saint-Cher. A l’exception du thème du premier sermon (Dicite filie Sion, Mt. XXI. 5), ni les autres thèmes ni les développements ne correspondent au contenu de la collection de Hugues de Saint-Cher : il s'agit manifestement d'une autre série de sermons. Peut-être ces sermons furent-il attribués au cardinal dominicain par mégarde, dû au seul vu du thème du premier sermon qui forme l’incipit du manuscrit? Schneyer aurait-il recopié une erreur figurant dans un autre registre? Toujours est-il que ce sermonnaire attribué à Hugues par Schneyer ne relève pas de l’œuvre qui fait l'objet de notre étude. 1094 Notons également qu’un autre témoin - Paris, Nat. lat. 16473 - est sérieusement mutilé, et incommunicable. 1095

Le manuscrit Paris, BN. lat. 13581 contient les Sermones de evangeliis et les Sermones de epistolis. 1096 Issu de Saint Germain des Près, ce témoin est complet mais négligé: l’écriture n’est guère structurée, les sermons se suivent a  continuo et le copiste a omis de nombreux mots.

Pour ce qui est du manuscrit Paris, Nat. lat. 14956, il provient de l’Abbaye de Saint-Victor. Ce petit ouvrage est incomplet et les deux premiers sermons évangéliques sont intervertis: la collection commence par le sermon « Postquam appropinquasset » (Mt. XXI. 1) et non par le sermon « Dicite filie Sion » (Mt. XXI. 5). 1097 Notons cependant que les deux sermons ne constituent que des variantes, tous deux ayant été composés pour le premier dimanche de l’Avent.

Il est intéressant d’étudier le manuscrit de Budapest (OSZK, Mny. 79), qui comporte les sermons des évangiles et des épîtres dans un ordre différent: au lieu d’exposer d’abord la série évangélique en bloc suivie de la collection des épîtres, le copiste du manuscrit de Budapest rédige les sermons en alternance; ainsi un sermon évangélique est toujours suivi par un sermon épistolaire. Ce manuscrit est peu soigné et d'une écriture désordonnée; aussi l'avons-nous écarté lors du choix du manuscrit de base.

Lors de la consultation des manuscrits, nous avons procédé à des sondages aléatoires, d'où cette impression qu'à l’exception de Paris, Nat. 15690 il n’y a pas de divergences textuelles notables entre les témoins et qu’il n’existe pas de versions significativement différentes. Il nous semble que dans les manuscrits étudiés nous retrouvons les mêmes idées sous une forme parfois différente. Souvent, ces témoins ne diffèrent entre eux que par de minimes erreurs de copie; de même il se peut qu’un passage soit omis, mais cela reste un phénomène relativement marginal. Si la longueur des citations d’autorités varie souvent d’un manuscrit à l’autre, les raisons peuvent en être multiples. D’une part, les copistes se montraient plus au moins soigneux lorsqu’ils recopiaient des citations parfois trop longues, d’autant que l’exactitude n’était pas de rigueur, les autorités étant connues de tous. D’autre part, les ordres d’un supérieur, le manque de parchemin ou encore de place pouvaient aussi être à l’origine de l'abréviation des autorités scripturaires ou patristiques.

1. Les trois manuscrits choisis

Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, pour la transcription des sermons nous avons choisi un manuscrit de référence Pm (Mazarine 1026), tandis que pour la correction nous nous sommes servi de P2 (Paris, lat. 15946) et de P1 (Paris, lat. 3498). Notons que le choix de ces manuscrits s’explique à la fois par la fiabilité des textes et la facilité de leur consultation. En effet, ces trois témoins manuscrits sont complets, lisibles et relativement bien conservés.

Pm (Mazarine 1026) est un manuscrit sur parchemin (353 x 241mm) contenant 164 folios. Ce témoin de format moyen est écrit par une main du XIIIe siècle. 1098 Il comporte les 126 sermons sur les évangiles 1099 écrits d’une manière continue. A la tête du premier folio se trouve l'inscription suivante: «Frater Johannes Caritatis, lector in theologia conventus Pontis Audomari, dedit hunc librum comuni librarie conventus Parisiensis Carmelitarum.» 1100 Nous ignorons cependant le lieu où a été composé le manuscrit. Les sermons sur les évangiles se trouvent entre les folios 42va et 81ra. La structure des homélies est clairement indiquée. D'une part, sur la marge gauche des folios on trouve des lignes horizontales et verticales désignant les divisions et les subdivisions. D'autre part, des pieds de mouche indiquent les nouvelles sections à l’intérieur du corpus. Les deux types de marquage fonctionnent indépendamment. 1101

Le manuscrit, orné d’initiales et rempli de fioritures, s’avère donc fiable et  d’une consultation agréable. Les notes en marge (Dominica Ia, IIa…, Sermo in vigilia natalis Domini, etc.) permettent aisément de distinguer les différents sermons ; de même, les notes marginales indiquent parfois le sujet du sermon facilitant la consultation du sermonnaire. Si l'écriture est un peu moins régulière que dans les deux autres manuscrits parisiens, elle a toujours l'air professionnel. 1102

Le manuscrit P2 (Paris, Nat. lat. 15946) est celui que Schneyer a consulté et qui provient de la Sorbonne. Ce manuscrit de format moyen est écrit sur parchemin; il est orné de lettrines, ainsi que de fioritures en marge. La structure des sermons est indiquée de trois manières différentes: les nouvelles sections commencent toujours par une nouvelle ligne; le début des nouvelles sections est marqué par un pied de mouche; enfin, les différentes sections sont clairement désignées par une structure de lignes horizontales et verticales, à gauche des colonnes, comme nous l'avons indiqué dans le cas du manuscrit précédent. 1103 Cette collection intégrale est écrite en petits caractères lisibles, formant un ensemble bien articulé. 1104 L'écriture est professionnelle et date du XIIIe siècle. David d'Avray note que le préfixe latin «con» (par exemple, du mot «congredior») est semblable à un «c» renversé et peut indiquer une date de production proche du milieu du siècle. 1105

Le manuscrit P1 (Paris, BN. lat. 3498) - consultable seulement sur microfilm - est écrit sur parchemin (175 x 110 mm et 185 x 125 mm) et contient 137 folios. Vu la petite taille du manuscrit, cela semble être un livre portable portatif. 1106 Le manuscrit est composé de trois manuscrits liés ensemble, le premier contenant les sermons de Hugues de Saint-Cher sur les évangiles. 1107 La structure est indiquée uniquement par des  lignes verticales et horizontales, le scribe n'utilise pas de pieds de mouche. L'écriture, datant du milieu du XIIIe siècle, est bien ordonnée et professionnelle, ce qui permet une lecture agréable. 1108

Notes
1092.

Dans ce qui suit, nous reproduisons d'après Schneyer la liste non exhaustive des dépôts des témoins manuscrits: Arras 421 f. 42-62; Brüssel, B. Royale II. 1410 f. 82v-117v; Carpentras 20; Danzig, StB 2033; Darmstadt, LB 78; Erfurt, StB Amplon. oct. 51 f. 90-141; Hohenfurt 19; Lincoln, Cath. B. 6. 9; Clm 4635 ; 5997 ; 9586( ?); Oxford, Bodl. Laud. misc. 172 f. 49-92 ; 318 ; 439 ; 504 f. 51-111 ; 506; Paris, Mazarine 1026; Nat. lat. 3498 ; 13581 ; 14956 ; 15946 ; 15960 ; 16473 f. 116-144 ; 16503 ; Nouv. acqu. 270 f. 41-64; Prag, UB I. D. 17 ; III. C. 8 ; VI. F. 10 ; VIII. C. 17; Rouen A. 498; S. Gallen 1029; S. Paul (Lavant) Pg. 121; Sevilla, Colomb. 5-2-8; Tepl 25. D. 1; Trier, StB 240/1379 ; 332/2004; Troyes 1960 f. 2-98; Turin, Naz. E. VI. 21 f. 101ra; Vatican, Palat. 486; Wilhering 95. (J-B. Schneyer, Repertorium, op. cit, t.VII. p. 766.)

1093.

Il s’agit des manuscrits Toulouse BM 369 et OSZK, Mny. 79.

1094.

Voir : J-B. Schneyer, Repertorium, op. cit. vol. VII. p. 766.

1095.

Par ailleurs, les sermons de Hugues se trouvent aux fol. 1r-72v.

1096.

Sermones de evangeliis dominicalibus : fol. 3r-48v ; Sermones de epistolis dominicalibus : 48v-78v.

1097.

La collection - incomplète - de Hugues se trouve aux folios 137r-234v.

1098.

Selon David d'Avray: «Once again, Thomson, Latin Bookhands, pl. 10, gives a rough idea of the type of script, which could belong to the middle decades of the thirteenth century.» (D. d'Avray, Medieval Marriage Sermons, op. cit. p. 141.)

1099.

Sermones de evangeliis dominicalibus : fol. 42ra-80vb.

1100.

Cité d'après D. d'Avray, Medieval Marriage Sermons, op. cit. p. 141.

1101.

David d'Avray remarque que la structure indiquée par des lignes horizontales et verticales est une caractéristique des manuscrits contenant les sermons de Hugues de Saint-Cher: «Structures of vertical and horizontal lines on the left-hand side of columns mark out the divisions and subdivisions. We have seen that this is a feature of manuscripts of Hugues of Saint-Cher's sermons.» (D. d'Avray, Medieval Marriage Sermons, op. cit. p. 141.)

1102.

C'est également l'avis de David d'Avray: «The handwriting is perhaps a shade less regular than in many of the manuscripts we have used for Hugues and other preachers, but it is not unprofessional-looking.» (Ibidem, p. 141.)

1103.

Voir aussi: D. d'Avray, Medieval Marriage Sermons, op. cit. p. 140.

1104.

Les sermons des évangiles se trouvent au fol. 1ra-41ra, suivis des sermons des épîtres (41rb-54rb) et des sermons variés (55va-105ra).

1105.

«[…] so the presence of this symptom may suggest a date in the middle of the century (not too much into the first half, or the paragraph-marks would become a problem).» (D. d'Avray, Medieval Marriage Sermons, op. cit. p. 141.)

1106.

D. d'Avray, Medieval Marriage Sermons, op. cit. p. 140.

1107.

Les sermons des évangiles et des épîtres se trouvent aux folios 1ra-76vb, tandis qu’on lit les Sermones de diversis aux fol. 78r-97v. Notons au passage que ce manuscrit contient en outre les sermons modèles de Pierre de Reims (fol. 106-137).

1108.

«The handwriting is reasonably 'professional' in appearance.» (D. d'Avray, Medieval Marriage Sermons, op. cit. p. 140.)