Lors de l’édition des sermons de Hugues de Saint-Cher, nous avons été confronté à des questions fondamentales. Fallait-il s’en tenir exclusivement à une édition critique en utilisant les techniques les plus rigoureuses ? A en croire le Père Bataillon, cela ne paraît pas toujours nécessaire: « Une édition vraiment critique d’un texte relativement long et attesté par de nombreux témoins demande beaucoup de travail, de temps et même de ressources. […] Une telle mise de fonds n’est justifiée que pour des ouvrages particulièrement intéressants, ceux surtout qui émanent d’auteurs ayant marqué l’histoire de la pensée et dont il est nécessaire de connaître les écrits le plus exactement possible. Pour le reste, il suffit d’avoir des éditions faites avec intelligence et soin, dont le lecteur puisse savoir avec précision comment elles ont été menées et ce qui a guidé les choix de l’éditeur. » 1109 Suivant les consignes du père dominicain, nous avons opté pour une édition soignée sans nous perdre dans le dédale d’une édition sophistiquée où l’effort fourni n’aurait pas été proportionnel au résultat escompté. Bien entendu, il fallait prendre en considération les critères de base de tout travail éditorial, dont le plus important est qu’une édition doit être basée sur au moins trois manuscrits. 1110
Si la recherche dans le Repertorium de Schneyer était le point de départ de notre travail, l’identification des sermons exigeait en outre qu’on fît des vérifications. Dans beaucoup de cas, nous avons identifié l’auteur comme Hugues de Saint-Cher non seulement grâce à l’examen des sermons, mais aussi explicitement, d’après les notes figurant dans les manuscrits. 1111 En même temps, cet examen nous a permis d’éliminer une collection de sermons que Schneyer croyait de Hugues et que nous avons présentée ci-dessus. Outre ce travail, il fallait vérifier si la collection des sermons de Hugues de Saint-Cher ne faisait pas partie des listes de taxation des exemplaria datées de 1275-76 et de 1304. L’absence des sermons de Hugues dans ces listes ne signifie pas le désintérêt de l’époque à l’égard de ses sermons – en réalité, la multitude des manuscrits conservés prouve le contraire –, mais cela constitue une étape obligatoire de l’édition. 1112
Notons enfin que le Père Bataillon a exprimé ses réserves quant à la nécessité d’éditer un grand nombre de collections de sermons et a proposé à la place de ces travaux d’Hercule, soit une sélection de sermons de la même collection, soit un dossier donnant les sermons de plusieurs auteurs sur un même thème. 1113 Or, pour le présent travail nous avons opté pour une édition intégrale des sermons sur les évangiles de Hugues en prônant l’idée qu’une « collection de sermons modèles forme un tout plus au moins cohérent et doit donc être considérée ainsi ». 1114
L.-J. Bataillon, Les problèmes de l’édition des sermons, In. M. Asztalos (ed.), The Editing of Theological and Philosophical Textes from the Middle Ages. Acts of the Conference arranged by the Department of Classical Languages, University of Stockholm, 29-31 august 1984, (Acta Universitatis Stockholmiensis, XXX), Stockholm, 1986, p. 105-120, p. 114-115. Quant à la question de l’édition des textes, voir aussi : Id., Problèmes posés par l’édition critique des textes latins médiévaux, In. Revue philosophique de Louvain, 75 (1977), p. 240-247.
Le Père Bataillon écrit: «Je préfèrerais toutefois une édition basée sur au moins trois manuscrits pour éliminer une grande partie des fautes possibles d'un seul témoin.» (L.-J. Bataillon, Les problèmes de l'édition des sermons, art. cit. p. 116.)
Par exemple, nous lisons dans le manuscrit Nat. lat. 15946 la préface suivante : « In hoc volumine continentur tres tractatus sermonum dominicalium totius anni, compositi a domino Hugone episcopo cardinali ordini Sanctae Sabine. »
L.-J. Bataillon, Les problèmes de l'édition des sermons, art. cit. p. 112.
Ibid. p. 116.
Ibid. p. 112.