Le débat théorique qui se développe entre les économistes français au cours des années 1820 a ses racines au siècle précédent. Les concepts discutés alors ont pris naissance au XVIIIe siècle et ils ont été approfondis par la suite au cours de la Révolution française qui tente d'apporter des solutions aux questions capitales qu'ils soulèvent : le financement des dépenses publiques et la subsistance alimentaire des classes pauvres. La discussion est intéressante et le débat fructueux puisque des concepts théoriques sont directement confrontés à une situation que leur formulation même a suscitée.
La pauvreté apparaît alors comme le problème central qui se dégage de cette réflexion héritée du XVIIIe siècle, mûrie par l'expérience de la révolution française et stimulée, en outre, par les convictions fortes exprimées peu de temps avant par Thomas Malthus. Sans doute les économistes français pensent-ils, par l'intermédiaire de leurs analyses s'inscrire dans la longue lutte d'influence ente la France et l'Angleterre lorsqu'ils prennent part à ce débat pour manifester leur volonté de s'opposer au courant classique anglais. Germain Garnier (1754-1821) nous semble représentatif en particulier de cette volonté de faire contrepoids au courant classique anglais en affirmant l'existence d'une tradition économique française lorsqu'il traduit La Richesse des nations d'Adam Smith, en ajoutant, nous dit Charles Coquelin "un grand nombre de notes historiques et critiques destinées […] à réfuter l'auteur d'un point de vue physiocratique" 1 .
Les saint-simoniens ne sont pas en reste dans cette querelle avec les économistes anglais, comme nous le verrons plus tard. Eux aussi, comme nombre d'autres auteurs, expriment le souhait de perpétuer une tradition économique française et ils se référent volontiers à l'œuvre des physiocrates et on sent aussi percer dans leurs écrits une certaine animosité envers les économistes classiques anglais.
Cette édition en français de La Richesse des nations est publiée en 1822, un an après la mort de son traducteur. Charles Coquelin, Dictionnaire de l'économie politique, Guillaumin, 1873, t. I, p. 824, mentionne l'édition de La Richesse des nations traduite par Garnier "revue, corrigée et augmentée de notes explicatives par celui-ci". Adolphe Blanqui publie en 1843 une nouvelle édition de ce texte qu'il fait précéder d'une notice biographique.