a - L'Abbé Morellet (1727-1819).

L'Abbé Morelletétait au sein du groupe de Vincent de Gournay un des libéraux les plus convaincus. Schumpeter le présente comme "un ardent libre échangiste [pour qui l'homme doit] vendre et acheter où il lui plaît" 10 . Il va jusqu'à condamner le "protectionnisme comme une violation du droit naturel" et pendant l'époque révolutionnaire il se montre intransigeant à l'encontre de toute décision ou de tout arrêté qui pourrait restreindre les droits imprescriptibles de l'individu.

Les révolutionnaires de 1789 se classent en deux groupes : il y a ceux qui défendent avant tout la liberté et ceux qui privilégient le combat pour l'égalité. Quiconque dans chaque groupe doit accepter des compromis pour réaliser en partie ses idées. L'abbé Morellet, quant à lui, est d'un libéralisme si intransigeant qu'il n'a accepté aucun compromis et qu'il a très vite perçu la république égalitaire comme un danger pour les droits de la personne : il "va très vite devenir critique, voire conservateur [et même] antirévolutionnaire" 11 . Morellet, à ce moment là, contribue à perpétuer une tradition libérale très conservatrice qui pourra se manifester plus tard dans les écrits de Charles Dunoyer 12 .

Notes
10.

J.-A. Schumpeter, op. cit., t. I, p. 197.

11.

Simone Meyssonnier, in G. Faccarello, Ph. Steiner, op. cit. p. 110. Pour Simone Meyssonnier, "l'attitude de l'abbé pendant la révolution pose une énigme". Ne peut-on penser au contraire que son attitude si réactionnaire est conforme à un ultralibéralisme refusant toute concession à l'idée d'égalité et que de ce point de vue elle peut sembler logique ?

12.

Nous parlons du Dunoyer de la deuxième époque, celui que Y. Breton et M. Lutfalla désigneront comme un "ultra-libéral" : à ce sujet, voir infra note 5, p. 9.