B - Une structure de la propriété passéiste et inégalitaire.

Si les méthodes de cultures sont très souvent archaïques, la structure sociale de la propriété l'est également. La grande propriété est très importante puisqu'en 1826 "1 % des côtes foncières représentaient 28,6 % de la valeur des côtes" 54 . Les statistiques globales sur l'agriculture de la première moitié du XIXe siècle sont peu nombreuses et assez peu précises. L'enquête agricole de 1851, une des premières études exhaustives se rapportant à l'agriculture française réalisée près d'un quart de siècle après la période saint-simonienne qui nous intéresse, nous apprend que les propriétaires représentent 35 % de l'ensemble des agriculteurs, les fermiers et métayers 20 %, les autres 45 %, des journaliers ou des domestiques, "constituant […] une sorte de prolétariat rural" 55 , misérable de surcroît.

La grande propriété, nous l'avons dit, est dominante dans les campagnes, mais elle est rarement travaillée en faire-valoir direct. Son exploitation est très souvent divisée en fermes ou métairies qui emploient elles-mêmes des journaliers et des domestiques : de ce fait la rente foncière traverse une période faste. Avec le retour de la Restauration, les baux de fermage sont renouvelés et leur signature repose sur de nouvelles conventions plus avantageuses pour les propriétaires : "de 1815 à 1824 […] la valeur locative des terres [connaît] une augmentation d'environ 25 % " 56 .

Notes
54.

Estimation de François Caron, Histoire économique de la France, XIXe-XXe siècles, Armand Colin, 1995, p. 106.

55.

Idem, p. 105. Et encore, la situation décrite par cette enquête de 1851 devait-elle être moins sombre que celle des années 1820, la production agricole ayant fait quelques progrès malgré tout depuis cette époque. L'industrie en outre s'était un peu développée, ce qui avait réduit "la pression démographique dans les campagnes".

56.

Estimation de F. Braudel etE. Labrousse, Histoire économique et sociale de la France, t. III, PUF, Paris, 1993, p. 741.