D - Une organisation de l'escompte embryonnaire.

L'escompte a joué un rôle fondamental dans le fonctionnement de l'économie française au début du XIXe siècle. Le financement d'une grande partie de l'activité dépendait du recours au taux d'escompte et c'est lui finalement qui assurait la liquidité de l'économie : "de la politique de l'escompte dépendait le volume de l'émission monétaire" 74 écrit F. Caron.

Or les escompteurs dont la composition était très disparate, nous l'avons vu – banques, caisses ou simples particuliers – devaient s'accommoder du vide institutionnel qui caractérisait alors la pratique du crédit. Cela explique qu'en dehors du taux immuable de 4 % fixé par la Banque de France, qui semble totalement irréaliste aux saint-simoniens, ils le diront très souvent, les taux d'escompte pratiqués sont très différents. Les entreprises reconnues, offrant toutes les garanties de solvabilité, peuvent faire escompter leurs effets de commerce entre 3 et 4 % par les établissements de la Haute Banque parisienne. A l'inverse les petites entreprises sans notoriété ou en difficulté sont obligées d'accepter un taux supérieur à 6 % auprès de caisses spécialisées qui doivent se refinancer à leur tour auprès de la Banque de France moyennant un réescompte de 4 % ou dans le pire des cas si elles connaissent elles-mêmes des problèmes, auprès d'usuriers des "structures inférieures de crédit" dont parle B. Gille.

Le taux d'escompte en outre supporte des différences très marquées suivant les régions : les bonnes valeurs se traitaient à 3 – 3 ½ % à Paris et à Lyon […] et 6 – 10 % dans les bourgs de l'Ouest et du Centre" 75 .

Dans ces conditions, l'escompte n'est que le reflet du manque d'organisation du système bancaire. Les saint-simoniens sont parmi les plus conscients de ce manque d'organisation qui affecte la pratique de l'escompte, si indispensable pourtant au développement des relations industrielles et commerciales.

Notes
74.

F. Caron, op. cit., p. 51.

75.

H. d'Esterno, cité par M. Levy-Leboyer, in F. Braudel, E. Labrousse, op. cit., p. 355.