Lorsqu’on s’intéresse au groupe des saint-simoniens pour cette période 1825-1832, on est frappé par l'activité débordante de ses membres : par leur activisme social et politique, ainsi que par l’étendue des domaines dans lesquels ils interviennent.
C’est sans doute à ce double prix : intensité de l’action et étendue des compétences que ce mouvement pourra exercer une influence profonde sur la société française de cette période, tant du point de vue du mouvement des idées que de celui de l’action politique.
Si l’école saint-simonienne a pu être omniprésente aussi bien sur le terrain du combat politique que sur celui du débat économique, c’est grâce à la jeunesse de ses membres et à la force de leur conviction. Si les disciples de Saint-Simon, par ailleurs, ont pu constituer un tel mouvement social global, c’est aussi grâce à leurs formations variées et au fait qu’ils proviennent d’horizons divers.
Cette diversité transparaît en premier lieu dans les circonstances de la création du groupe et dans la réunion du premier noyau de fidèles qui s’organise autour de Saint Simon pendant les dernières années de sa vie et immédiatement après sa mort.
Les disciples de Saint Simon mobilisent toute leur énergie dans la poursuite d’un but commun : "réaliser l’Association universelle que les cris de liberté, poussés par tous les esclaves, femmes ou prolétaires, appellent depuis la naissance du monde" 93 .
Mais ilssont aussi conscients que la diversité des fidèles, avec leurs compétences et leurs apports très variés, avec leurs sensibilités très différentes aussi, est un gage d’efficacité pour l’action du groupe. Après avoir cité le nom de tous ceux qui ont participé à l’aventure saint-simonienne, Charles Duveyrier écrit : "Aujourd’hui, tous ces hommes actifs et puissants préparent par mille voies l’établissement de votre règne [de Saint-Simon] : philosophes, savans poètes, dans les chaires des écoles, les livres et les journaux, ils enseignent à épeler l’écriture de votre Evangile nouveau" 94 .
Au-delà de la diversité des parcours industriels il semble toutefois que trois grandes influences se dégagent au sein du groupe en ce qui concerne la formation des fidèles et leur domaine de compétence.
C’est une telle conjugaison de talents recouvrant une grande diversité de compétences et de préoccupations qui fera toute l’originalité du saint-simonisme. Les disciples de Saint Simon vont essayer d’intégrer tous les apports dans une même doctrine : les analyses financières les plus rationnelles vont côtoyer les aspirations morales les plus exigeantes.
La théorie du taux d’intérêt à laquelle nous allons nous intéresser intègre une dimension économique, une dimension morale et une dimension religieuse. L’économie, pour les saint-simoniens est une science morale et elle acquiert une dimension religieuse.
P. Enfantin, A Tous, Librairie saint-simonienne, Paris, 1832, p 1.
Ch. Duveyrier, A Tous, Librairie saint-simonienne, Paris, 1832, p 31. recueil dans lequel Ch. Duveyrier a réussi une déclaration d’Enfantin aux membres de la famille nouvelle, ainsi que les discours de plusieurs apôtres de Michel Chevalier, d’Emile Barrault et de lui même.