C'est le niveau du taux d’intérêt qui traduit le conflit entre les oisifs et les travailleurs dans l'ordre économique. Les salaires en effet rémunèrent les travailleurs alors que "l’intérêt, les loyers, les fermages [rémunèrent] les propriétaires oisifs" 155 .
La conséquence financière évidente, d'après les saint-simoniens, est qu’il faut augmenter les salaires et baisser le taux d'intérêt. C’est pourquoi Enfantin, après avoir présenté le but de la politique saint-simonienne à la fin d'un premier article sur Les oisifs et les travailleurs publié dans Le Globe annonce : "Dans un prochain article nous indiquerons divers moyens de favoriser la baisse de l’intérêt, des loyers et des fermages, et la hausse des salaires" 156 .
L'objectif prioritaire de la politique économique saint-simonienne est de parvenir à une nouvelle répartition des richesses : "La baisse des loyers, de l’intérêt, des fermages est favorable aux travailleurs, les oisifs la redoutent, la hausse des salaires pour la même raison plaît aux premiers et déplaît aux seconds" 157 . Le partage de la richesse entre les salaires et les loyers est le fait capital de l’économie politique saint-simonienne. Plus les loyers sont élevés en effet, plus l’exploitation des travailleurs est importante puisque ces loyers versés aux oisifs, qui ont seulement avancés les instruments de travail, sont nécessairement prélevés sur les produits du travail : en payant des loyers aux oisifs, les travailleurs se privent d’une partie de la production qu’ils ont réalisée, à grand peine pourtant.
Parmi tous ces loyers, le taux d’intérêt est le plus significatif sans doute. Il est en effet la forme de loyer la plus représentative d’une économie monétaire. C’est pourquoi il est le concept central de l’analyse économique des saint-simoniens : c’est lui qui est au cœur de leur réflexion monétaire. Cette réflexion s'est développée dans un contexte financier particulier qui ne correspondait pas à leur propre vision de l'organisation de la banque et que pour cette raison ils n'ont eu de cesse de vouloir transformer par des interventions incessantes.
Ibid.
Ibid.
P. Enfantin, "Les oisifs et les travailleurs", Le Globe, 14 mars 1831.