Comme le maillage du territoire par les banques est très lâche, la circulation monétaire dans l’ensemble du pays fonctionne sur un modèle assez archaïque. En 1828, par exemple, pour un revenu national estimé approximativement à 10,5 milliards de francs courants, la monnaie en circulation s’élève à 2,9 milliards, mais sur cette somme la monnaie métallique représente 2,7 milliards et la monnaie fiduciaire seulement 0,2 milliard à peu près 163 . Une telle situation monétaire conforte les saint-simoniens dans leur critique de la Banque de France car institutionnellement, du fait du monopole dont elle dispose, elle est la seule à pouvoir organiser la circulation monétaire sur l'ensemble du territoire et elle ne le fait pas : la circulation fiduciaire est ainsi presque uniquement le fait de la Banque de France et justement elle reste embryonnaire et très insuffisante.
Non seulement cette circulation fiduciaire est peu développée mais elle est aussi irrégulière : le Tableau des opérations de la Banque de France pour l’année 1828 indique ainsi pour la circulation fiduciaire un maximum de 214 millions et un minimum de 180 millions de francs, soit une différence de prés de 20 % entre les valeurs extrêmes au cours de la même année 164 . Les saint-simoniens rendent une telle situation responsable du caractère cyclique de l'économie capitaliste si préjudiciable à leurs yeux pour la situation des travailleurs.
Et surtout cette circulation de monnaie fiduciaire marque le pas. Après avoir connu une augmentation régulière jusqu’en 1822, la circulation de monnaie fiduciaire traverse une longue période de stagnation jusqu’en 1838 : de 1815 à 1822 la monnaie fiduciaire en circulation passe d’un maximum annuel de 71 millions de francs à un maximum de 216 millions, elle est multipliée par plus de 3 en augmentant de 20 millions à peu près chaque année ; mais par la suite, elle stagne et elle n'est plus que de 215 millions en 1829 et de 213 seulement en 1838. C'est pourquoi il est urgent, d'après les saint-simoniens de revoir en profondeur toute l'organisation du système bancaire.
Chiffres cités par M. Levy-Leboyer et F. Bourguignon, op. cit., p. 308.
On peut se référer à A. Courtois, op. cit., p. 345, annexe P.,qui reproduit le Tableau des opérations et des chiffres des principaux comptes de la Banque de France année par année, du 20 février 1800 au 31 décembre 1847.