A - Le recours à l'emprunt public favorise la baisse du taux d'intérêt.

a. L'emprunt public permet l'affectation la plus efficace des capitaux.

Comme l'emprunt d'Etat est placé, nous l'avons vu, auprès des riches propriétaires, il permet de conjuguer justice sociale et efficacité économique : il laisse à la disposition des industriels les sommes nécessaires pour engager un processus productif, qui, sans cet emprunt, leur auraient été confisquées par l'impôt auquel il se substitue ; il mobilise à des fins productives des capitaux détenus par les oisifs, pour lesquels ces derniers n'envisageaient pas une affectation précise puisque "la demande d'emprunt, de l'avis d'Enfantin, s'adresse évidemment aux capitaux qui ont l'emploi le moins productif" 261 .

L'émission d'emprunts publics par le gouvernement permet ainsi aux rentiers de la dette publique de faire fructifier leurs capitaux sans avoir à faire preuve d'un grand esprit d'initiative. Ceux-ci en outre ne prendraient pas un risque important en prêtant de l'argent à l'Etat : si en effet ils avaient besoin pour une raison quelconque de récupérer leurs fonds avant que l'Etat soit en mesure de rembourser ses dettes, ils pourraient alors, "pour autant que l'esprit d'association existe chez eux" 262 s'adresser à une banque d'escompte qui "moyennant escompte" 263 négocierait ces créances publiques auprès de "capitalistes ayant des fonds à placer" 264 .

Un tel dispositif institutionnel permet à l'Etat de bénéficier de larges marges de manœuvre. Comme les rentiers sont en principe entièrement rassurés quant à la restitution de leur capital, il peut échapper à la contrainte d'un remboursement trop rapide en demandant à ses créanciers de "ne pas exiger de lui un remboursement à époques déterminées" 265 : il dispose par conséquent d'une marge de manœuvre très appréciable.

Par l'intermédiaire de l'emprunt public, l'Etat endosse la responsabilité de trouver un emploi efficace pour ces capitaux à la place de leurs propriétaires originels peu avisés. Dans l'esprit d'Enfantin, ces propriétaires oisifs, peu compétents et allergiques à tout effort intellectuel, ne parviennent pas à imaginer une utilisation intéressante des sommes d'argent dont ils disposent. Aussi, d'après lui, seront-ils sans doute soulagés que l'Etat prenne en charge le placement de ces capitaux et seront-ils, de ce fait, moins exigeants sur le niveau du taux d'intérêt versé : "les coupons d'emprunt sont pris par les hommes qui tirent de leurs capitaux le plus faible intérêt" 266 .

Notes
261.

P. Enfantin, "art. cit.", Le Producteur, t. III, n° 2, p. 231, p. 230.

262.

Idem, p. 226. Le fait que des rentiers soient amenés à trouver un avantage au fait de s'associer démontre d'une manière éclatante la force de l'idée d'association constitutive par nature d'une économie industrielle. Cela montre par la même occasion l'avènement inéluctable de cette économie industrielle dans la mesure où tous les acteurs doivent adapter leurs comportements à ses principes d'organisation.

263.

Ibid.

264.

Ibid.

265.

Ibid.

266.

Ibid., p. 231.