La défense de l'emprunt est un thème central chez les saint-simoniens qui sous-tend l'ensemble de leurs considérations économiques, depuis la constitution de l'école jusqu'à sa dispersion : une organisation efficace des emprunts et des prêts, estiment-ils, doit permettre le transfert des richesses des oisifs vers les travailleurs.
Aussi, lorsqu'Enfantin entreprend, dans un article du Producteur, en 1826, de discuter la thèse de Ricardo relative aux finances publiques, son choix semble particulièrement pertinent d'un point de vue saint-simonien : il a en effet repéré l'importance de la question soulevée, choix de l'impôt ou l'emprunt comme mode de financement des dépenses publiques, et l'importance de l'auteur considéré, Ricardo, qui au nom de la théorie quantitative de la monnaie dont il fera prévaloir l'hégémonie, exercera une influence décisive, jusqu'aux années 1930, sur les décisions ultérieures de politique économique.
Au sujet du fermage, Enfantin parle de l'analyse de Ricardo comme d'une "doctrine [...] dont les travaux ont puissamment contribué à éclaircir cette question" 289 . C'est dire qu'il ne récuse pas la démarche suivie par cet auteur et qu'au contraire il s'en inspire. Toutefois, si les saint-simoniens, en règle générale, recourent à la même méthode que les économistes classiques pour étudier les phénomènes et les mécanismes économiques, ils en tirent, nous l'avons vu des conséquences totalement différentes : ainsi, Ricardo pense que les prélèvements publics sont néfastes pour l'activité industrielle ; les saint-simoniens sont d'accord avec ce constat, mais ils rendent responsable de cette situation l'organisation capitaliste existante et ils essaient d'envisager un autre type d'organisation où ces prélèvements pourraient être mis à profit par les travailleurs.
P. Enfantin, "art. cit.", Le Producteur, t. III, n° 2, p 215-252. Quand il écrit cet article, en 1826, Enfantin dit avoir pris connaissance des analyses de Ricardo grâce à la revue Le Globe qui en a présenté "un résumé très bien fait [dans son] numéro du 29 avril [1826]" (idem., p. 217). Il précise également qu'il se tient informé des controverses théoriques qui ont cours alors en Angleterre grâce à la Revue britannique qui traduit des articles parus dans la Edinburgh Review : il signale en particulier le numéro de la Revue britannique d'août 1825 (ibid., p. 227).