§ 2 - Ce que pourrait être l'organisation financière d'un gouvernement saint-simonien.

Lorsque nous avons rendu compte de la controverse théorique entre les saint-simoniens et Ricardo, nous avons vu que ce dernier n'établit pas de distinction entre la sphère privée et la sphère publique : il pense que toutes deux obéissent à la même logique financière lorsqu'il écrit à propos des contrats de prêt ; "Une dette garantie par la nation ne diffère en rien d'une telle négociation [entre deux particuliers]" 314 . Qu'il soit public ou privé, le succès d'un emprunt dépend pour lui de la méfiance réciproque des acteurs lorsque le contrat est établi.

Pour Enfantin, au contraire, la nature du contrat est transcendée par la signature de l'Etat et l'engagement public permet d'établir des relations de confiance dans les relations financières qui réalisent alors un progrès décisif.

Ainsi, pour Enfantin et pour tous les saint-simoniens, l'emprunt public possède des qualités beaucoup plus larges que l'emprunt privé. Il est beaucoup plus riche de potentialités financières et il offre des opportunités très intéressantes pour le financement des dépenses publiques.

Il offre même, pour eux, des opportunités si intéressantes que, d'une part, ils n'envisagent pas d'autre moyen de financement pour recueillir l'ensemble des recettes budgétaires et que, d'autre part, ils échafaudent à partir de cette source unique des montages financiers très originaux. Ces montages consistent en un ensemble de propositions singulières, emprunt perpétuel, taux d'intérêt zéro, impôt volontaire. Ces solutions audacieuses se situent à la limite de l'innovation plausible et de l'utopie débridée et de ce point de vue elles présentent la signature caractéristique du saint-simonisme.

Notes
314.

D. Ricardo, op. cit., p. 217.