B - Emprunt perpétuel et impôt volontaire.

Le projet d'un emprunt perpétuel est un argument primordial de la critique saint-simonienne adressée à la Caisse d'amortissement car il n'a aucune chance de se réaliser tant que cette caisse exercera son activité.

La substitution de l'emprunt à l'impôt est une idée féconde des saint-simoniens : ils y tiennent beaucoup et ils lui accordent une grande importance. Mais elle n'est pas facile à mettre en œuvre : pour qu'elle réussisse, il ne faut surtout pas que l'émission d'un emprunt donne lieu au prélèvement ultérieur d'un impôt pour rembourser les créanciers de l'Etat, à titre définitif ; il n'y a, à ce moment là, aucune substitution, mais seulement l'existence d'un impôt différé, et même alourdi, des intérêts liés à l'emprunt comme l'a montré Enfantin dans l'article du Producteur que nous avons étudié.

C'est de ce point de vue que les saint-simoniens critiquent l'action contemporaine de la Caisse d'amortissement qui reçoit, en dotation, des fonds d'amortissement réunis à partir des impôts, et qui les gaspille à rembourser le capital des emprunts précédents au, lieu de les distribuer à l'industrie comme avances productives : "nous [aimerions] infiniment mieux que le fonds d'amortissement fut employé, comme nous l'avons souvent demandé, en primes industrielles, destinées à provoquer un grand mouvement de capitaux, plutôt qu'à l'extinction d'une partie de la dette" 324 .

Notes
324.

"L'amortissement", Le Globe, 14 avril 1832. Les discussions relatives à l'amortissement avaient été intéressantes et animées lors de la discussion du budget de 1832. Les dépenses liées au fonds d'amortissement devaient s'élever, pour l'année 1832, à 87 millions de francs qui se décomposaient en 43 millions au titre de la dotation versée par l'Etat et 44 millions de rentes rachetées par la Caisse elle-même. Ce montant paraît assez modeste comparé à un budget d'un montant de près de 1.100 millions, comme nous l'avons vu. La discussion très animée relative à cette caisse d'amortissement semble sans commune mesure avec les sommes en jeu. Elle revêt toutefois une grande importance symbolique, car le rôle assigné à l'Etat devait dépendre largement de l'issue du débat. Bien que cette somme soit assez modeste, elle semble correspondre au seul poste, nous dit M. Marion, sur lequel des économies significatives pouvaient être réalisées : "Sur un seul point, des réduction de dépenses un peu importantes étaient possibles, l'amortissement, qui se montait à 87 millions puisqu'à sa dotation, portée maintenant depuis les derniers emprunts à 43.093.621, se joignaient les 44 millions de rentes rachetées par lui." (M. Marion, op. cit., p. 128 ). La répartition des fonds de la Caisse d'amortissement donne ainsi du poids à la critique de cette caisse par les saint-simoniens qui prétendent qu'elle ne sert à rien et que son effet est entièrement nul, puisque les sommes affectées au rachat de la rente et les sommes reçues comme dotation à partir des impôts sont pratiquement identiques.