§ 2 - Elaboration théorique de la notion de circuit.

A - Quelques repères théoriques dans les étapes menant à l'élaboration du circuit saint-simonien.

a - Une critique préalable des mercantilistes.

Pour les saint-simoniens, on ne peut expliquer la réalité économique que par la circulation des richesses, seule capable de rendre compte de leur production ainsi que de leur répartition sociale : il s'agit, pour eux, d'élaborer une théorie du circuit.

La première tâche pour y parvenir est de se démarquer des mercantilistes car les fausses notions [véhiculées par ce courant de pensée] ont porté de graves atteintes à la prospérité des nations, elles ont établi la lutte entre les peuples" 369 .

Contre les auteurs mercantilistes, ils sont d'accord avec les libéraux pour défendre la liberté des échanges. Comme eux, ils pensent que des échanges nombreux sont une garantie de prospérité. Mais ils s'en distinguent assez vite dès qu'il s'agit de mesurer les prix qui se forment lors de l'échange. Sur cette question de la valeur des produits, ils perçoivent clairement les différences entre les classiques anglais et Jean-Baptiste Say : ils prennent parti pour ce dernier et ils expriment alors le même avis que lui.

Notes
369.

Ibid. A la suite des moqueries d'Adam Smith à leur encontre, la critique des idées mercantilistes était un thème à la mode au début du XIXe siècle. Il était sans doute attirant de démonter de leur piédestal des auteurs qui avaient inspiré les politiques gouvernementales pendant au moins trois siècles au nom d'idées nouvelles qu'on se flattait d'être capable de comprendre. Schumpeter écrit à ce sujet (op. cit. p. 465) : "Dans leur grande majorité, les économistes du XIX e siècle en vinrent à considérer avec désapprobation, pire même, avec mépris, les opinions des mercantilistes en la matière [...]. Ils n'y voyaient qu'erreurs ; et s'agissant de leurs prédécesseurs, ils se firent une méthode pour mettre un ouvrage hors de cour sans autre forme de procès, d'y attacher un soupçon, si léger fut-il, de mercantilisme". Les saint-simoniens ne dérogent pas à cette règle : toutefois, ils ne critiquent pas les mercantilistes pour les erreurs qu'ils décèlent dans leurs écrits mais pour les idées de lutte entre les peuples qu'ils ont faites germer dans l'esprit des gouvernements parce qu'ils les jugent immorales. Leur critique, de ce fait, est formulée sous un angle assez original.