b - A l'époque moderne, la baisse graduelle du taux d'intérêt accompagne l'augmentation progressive de la circulation.

Ainsi, à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance, parallèlement au mouvement de sécularisation de la société, le mot de crédit perdit sa connotation religieuse : "il signifia […] la confiance qu'un homme inspirait au souverain ou aux corporations qui devenaient alors de plus en plus les arcs-boutants du pouvoir royal." 397 . Le crédit honorait au haut Moyen Âge l'allégeance d'un homme au pouvoir divin, il n'honore plus alors que son allégeance au pouvoir absolu du Prince. Les fondements de la confiance qui reposaient auparavant sur la loi divine, commune à tous, ne reposent plus dès lors que sur la soumission individuelle du sujet envers son monarque : "la confiance n'est plus légale mais volontaire" 398 .

Cette évolution stimule le développement des relations commerciales, source de richesse et de libération, mais d'un certain côté, dans la perspective historique des saint-simoniens, elle présente aussi un risque de dérive grave : "la confiance […] trop souvent, n'avait d'autre base que le caprice d'un homme" 399 . Une telle mutation, en effet, est bien symptomatique de l'appauvrissement des relations sociales qui a accompagné le passage de l'époque organique du moyen âge à l'époque critique qui lui a succédé à partir de la renaissance.

Cette perspective laisse la porte ouverte à l'avènement d'une nouvelle époque organique, fondée cette fois sur des relations de confiance apparaissant lors de l'établissement de transactions financières. Elle est riche de promesses, mais celles-ci sont difficiles à concrétiser car le phénomène du crédit est encore très mal maîtrisé par les travailleurs : les propriétaires dont la fonction était reconnue et légitimée, s'accrochent à leur ancien pouvoir et ils essaient d'utiliser à leur profit ce nouvel instrument financier.

Notes
397.

Idem, p. 568

398.

Ibid.

399.

Ibid. p. 569