a - Un déficit gigantesque des finances publiques.

Quand le régent Philippe d'Orléans prend les affaires du royaume en main, la France, nous l'avons dit, se trouve dans une situation catastrophique : le déficit des finances publiques est abyssal et il semble impossible de le combler ; la circulation est très ralentie, voire même interrompue ; l'organisation financière du pays est aussi très en retard par rapport aux autres grands pays européens.

P. Harsin estime à 2300 ou 2400 millions de livres la dette publique de la France à la mort de Louis XIV 436 . Cette dette résulte de la très forte augmentation des dépenses budgétaires qui ont accompagné la guerre de succession d'Espagne. Entre 1701 et 1714, toujours d'après P. Harsin, les dépenses publiques oscillent entre 150 millions de francs en 1701 et 264 millions en 1711 pour s'établir à une moyenne annuelle de l'ordre de 200 millions 437 . Seul le tiers de ces dépenses est financé par les impôts, les deux autres tiers le sont par l'emprunt public. Chaque année, par conséquent, le déficit de l'Etat s'accumule pour constituer une dette publique qu'il ne semble pas possible de maîtriser 438 .

Lorsqu'il devient contrôleur général des finances en 1708, Nicolas Desmarets, tente de restaurer la situation financière du royaume à l'aide d'une politique déflationniste sévère : dévaluation du louis, augmentation des impôts, mesures d'austérité budgétaire.

D'un côté, il institue l'impôt du dixième qui préfigure l'impôt sur le revenu : tous les contribuables doivent déclarer l'ensemble de leur revenu auprès de leur mairie et l'impôt est alors prélevé par les agents locaux du fisc. D'un autre côté il entreprend de réduire les dépenses publiques budgétaires et de les ramener à leur niveau de 1683, date de la mort de Colbert. Ces mesures sont évidemment impopulaires : elles provoquent de nombreuses protestations aboutissant au renvoi de Desmarets, renvoi qui démontre une nouvelle fois l'incapacité de l'Ancien Régime à réformer un système fiscal inéquitable et inefficace 439 .

Notes
436.

P. Harsin, La finance et l'Etat jusqu'au système de Law, in F. Braudel et E. Labrousse dir., Histoire économique et sociale de la France, PUF, 1993, t. II, p. 275.

437.

Idem, p. 270-271.

438.

Georges Depeyrot estime pour sa part que "les guerres de la fin du règne de Louis XIV coûtèrent 627 millions de livres" et que la dette publique en 1715 fait "apparaître un capital de 2 milliards de livres" (G. Depeyrot, Histoire de la monnaie des origines au 18 e siècle, Moneta-Wettereu, 1996, p 560-561.

439.

Sur la politique de N. Desmarets, on peut consulter Françoise Bayard et al., Dictionnaire des surintendants et des contrôleurs généraux des finances, Imprimerie nationale, 1991.