Dans la période qui a suivi, immédiatement, l'échec de Law, les commentaires, nous l'avons vu sont plutôt bienveillants : les publicistes de l'époque cherchent surtout à comprendre les causes de l'échec afin d'éviter qu'elles soient renouvelées. Au fur et à mesure que le temps passe, par la suite, les attaques sont de plus en plus virulentes et le discrédit frappant l'œuvre de Law devient très profond à l'époque classique.
Sans doute, les saint-simoniens veulent-ils faire abstraction de ces critiques libérales dont, a priori, ils doutent du bien fondé et cherchent-ils alors à se référer aux premiers développements de la controverse apparus dès la chute du système qui, en effet, présentent un grand intérêt ?
Ainsi, c'est Melon, dans un premier temps, avec son Essai politique sur le commerce 458 publié en 1834, qui lance la polémique en dénonçant les dangers qu'il perçoit dans le système de Law.
Dutot réplique à Melon, en 1738, avec ses Réflexions politiques sur les finances et le commerce 459 . Dans cet ouvrage il prend la défense de l'œuvre de Law et il s'attache à démontrer la lucidité dont celui-ci fait preuve dans l'appréciation de la situation financière à la mort de Louis XIV, en insistant sur la pertinence de ses analyses sur le crédit.
Il sera à son tour critiqué, et même de façon très virulente, par Paris-Duvernay avec son Examen du livre intitulé : Réflexions politiques sur les finances et le commerce 460 qui paraît en 1743. Cet ouvrage va dans le sens de l'opinion générale et celle-ci devient alors très critique envers le système de Law. Il se montre apparemment très convaincant auprès des milieux financiers de l'époque, si bien qu'avec lui, la première polémique qui a suivi la faillite du système de Law s'achève dans un sens défavorable au banquier écossais et à ce qui lui restait de défenseurs. Par la suite, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, le système de Law est surtout connu, encore, à travers cet ouvrage et pour cette raison, il ne trouve toujours que très peu de défenseurs.
Le fait que la controverse prenne fin avec la publication d'un ouvrage dont l'auteur était un ennemi acharné de Law, qui avait même un compte personnel à régler avec lui n'est sans doute pas étranger à la réputation exécrable dont celui-ci fut affublé aux yeux de la postérité. D'autant plus que Voltaire à voulu se mêler de la querelle pour critiquer le système de Law 461 et que sa verve polémique a sans doute aussi beaucoup contribué à le discréditer.
Jean-François Melon (1680-1738), qui en 1734 publie son ouvrage sous un pseudonyme, avait été un proche collaborateur de Law jusqu'à la chute du système. Il avait sur celui-ci par conséquent une connaissance assez précise, sur laquelle il se fonde pour remettre en question un certain nombre de dispositions du système, avec clairvoyance peut-être, mais aussi de manière assez caricaturale puisque, nous dit Harsin, il accuse Law de faire une apologie de l'inflation.
Dutot est un personnage très mystérieux. On ne connaît ni son origine, ni sa situation sociale, ni son prénom, ni ses dates de naissance et de décès. On connaît seulement cet auteur à travers la célèbre polémique relative à l'œuvre de Law. Ses Réflexions sur les finances et le commerce furent saluées comme un ouvrage d'un grand intérêt scientifique, dans lequel il produit une analyse très intéressante et très lucide du système de Law et des causes qui ont entraîné sa faillite. Tout en essayant d'établir un bilan objectif du système de Law, il en fait une présentation bienveillante, expliquant en particulier les objectifs, les difficultés rencontrées, les tentatives pour les surmonter. Certains commentateurs, au regard de la bienveillance des propos et de la qualité de l'information de Dutot, ont formulé l'hypothèse qu'il pouvait être un familier de Law et qu'il aurait collaboré à son œuvre. Sur la personnalité et l'œuvre de Dutot, on peut consulter P. Harsin, Essai de bibliographie critique reproduit par E. Faure, La Banqueroute de Law, Gallimard, 1972, p. 691-722.
Joseph Paris-Duvernay (1684-1770) est un des quatre frères Pâris qui formaient au début du XVIIIe siècle une tribu de financiers très influents. Law, du temps de sa splendeur, s'était attiré la haine de ces financiers lorsqu'il avait repris à leurs dépens la concession des fermes générales. Après une traversée du désert, du temps où le système de Law triomphait avec le soutien du régent, ils bénéficient d'un retour en grâce une fois que le système a échoué dans les conditions que l'on sait. Or, comme nous l'avons dit, l'œuvre de Law est surtout connue à travers l'ouvrage de ces frères Pâris.
L. Say, op. cit, article Law.