Law, en outre, aux dires de O. Rodrigues, commet une autre confusion entre le papier monnaie et les billets de crédit. C'est du papier monnaie gagé sur les terres du royaume qu'émet la banque de circulation de Law. Or l'estimation de la valeur de ces terres résulte d'un calcul totalement arbitraire. Si le besoin de monnaie est très pressant pour les finances publiques, la banque peut revoir cette valeur à la hausse et émettre une quantité de monnaie supplémentaire correspondant à la valeur additionnelle estimée des terres. Une telle contrepartie à la création de monnaie est totalement illusoire, elle ne comporte pas de garde-fou et peut laisser libre cours à une création de monnaie sans limite : " il [Law] employa la plus grande partie de sa vie à rechercher les moyens de multiplier le numéraire" 472 .
En outre, Law a voulu gager une monnaie de compte et de paiement, utilisée lors des transactions, sur un bien, la terre, largement immobile. C'est, pour Rodrigues, totalement contradictoire car la quantité de monnaie utilisée pour échanger les richesses mobilisables, pouvant effectivement circuler, est alors fixée, arbitrairement, en référence à des richesses, les terres du pays, qui malgré les affirmations de Law sont un bien largement immobilisé. Une telle confusion a poussé Law à vouloir "introduire dans la circulation, une plus grande masse de billets que n'en comportait le développement naturel des besoins du commerce" 473 .
Cette distorsion entre la circulation monétaire et la circulation des marchandises entraîne nécessairement une dérive dans le sens d'une création monétaire excessive, disproportionnée avec le niveau de la production : "dans ses projets de banque territoriale, il [Law] affirmait la possibilité d'émettre du papier jusqu'à la concurrence de la valeur des terres de tout le pays, et il désignait [les titres de propriété qu'il mettait en circulation] sous le nom de terre- monnaie" 474 .
Idem.
Idem, p. 10.
Ibid., p. 8. Dès 1826, O. Rodrigues, nous le voyons, perçoit très clairement et très lucidement la différence entre le papier monnaie et le billet de banque. Un siècle et quelque plus tard, C. Rist formulera la même critique, de manière très appuyée à l'encontre de Law. Il insistera beaucoup sur la confusion entre ces deux formes monétaires dans l'esprit des économistes, qui au XVIIIe siècle et même au-delà, ont développé de nouvelles "idées relatives au crédit". Il écrit à leur sujet : "Une première observation qui s'impose, est la confusion que font la plupart des écrivains, soit entre le papier monnaie et le billet de banque, soit entre celui-ci et la monnaie. Ils aperçoivent très mal la séparation entre les instruments de crédit et la monnaie proprement dite. Seul Cantillon fait exception. La confusion est en partie volontaire et en partie inconsciente chez John Law, – involontaire mais certaine chez Smith et chez Mollien, systématique chez Ricardo." (C. Rist, op. cit., p. 9)