b - Caractère normal des crises cycliques dans une économie rentière.

La domination de la sphère rentière se traduit ainsi par un défaut de coordination au sein du système. La conclusion d'Isaac Péreire est que le système capitaliste est improductif par nature et que la crise, loin d'être un événement exceptionnel fait partie de son fonctionnement normal : il ne faut pas songer à l'améliorer dans l'état actuel des choses.

Les saint-simoniens construisent une théorie du cycle qui s'oppose à la représentation libérale d'un équilibre automatique : c'est avec la loi des débouchés que celle-ci se présente à leur époque sous sa forme la plus achevée.

Pour eux, cette conception libérale d'un équilibre automatique est totalement irréaliste : la consommation ne peut fournir des débouchés assez importants à la production car le système capitaliste repose sur la concurrence qui exerce une pression très forte sur les revenus des travailleurs. Or les travailleurs, qui forment la classe la plus nombreuse, constituent aussi la majeure partie des consommateurs potentiels : "Des crises nombreuses, des catastrophes déplorables affligent chaque jour l'industrie ; […] ce désordre est le résultat de la mise en pratique du principe de la concurrence illimitée" 588 .

Les rentiers jouent sur cette concurrence et la domination de la sphère rentière est responsable de graves défauts de coordination pour la régulation du système. Or les saint-simoniens, nous le savons, sont très attachés à la centralisation des décisions et à l'unicité du gouvernement de l'économie. Par conséquent, un système dans lequel production et consommation suivent des logiques différentes est beaucoup trop dualiste pour connaître un fonctionnement harmonieux.

Notes
588.

Exposition de la doctrine, p. 247.