a - Taux d'intérêt et thésaurisation.

Nous avons vu les réticences exprimées par les saint-simoniens à l'égard des riches oisifs : ces dépenses, à leurs yeux sont peu efficaces dans la mesure où elles alimentent la sphère rentière. Mais ils pensent surtout qu'elles sont très aléatoires et qu'il ne faut surtout pas compter sur elles. Les rentiers, en effet, cherchent avant tout à conserver leur capital, "ils ont peur de perdre leur capital" 615 , car ils sont bien conscients que sa possession leur confère un grand pouvoir dans la société.

Dans la poursuite de cet objectif, le taux d'intérêt leur offre une opportunité avantageuse de placement et il conforte leur stratégie rentière : "pour compenser ces chances de perdre leur capital, ils veulent un intérêt plus élevé, conservant ainsi le même revenu" 616 .

Grâce au taux d'intérêt, par conséquent, les capitalistes "pourront mettre en réserve une portion de ce capital" 617 . Cet instrument alimente ainsi les tendances à la thésaurisation à cause des perspectives de rendement financier qu'il fait miroiter aux yeux des capitalistes. Or, c'est une idée essentielle de l'analyse saint-simonienne, la thésaurisation, parce qu'elle ralentit la circulation des richesses est un des principaux responsables de la baisse de l'activité et du déclenchement des crises.

Les capitalistes thésaurisent pour se couvrir contre tout risque de perte du capital qui pourrait être occasionné par la crise. Ils espèrent en outre réaliser un placement fructueux grâce à un taux d'intérêt élevé. Or ils sont en situation de force pour exiger un taux plus élevé du fait qu'ils détiennent l'essentiel du pouvoir, économique, social et politique. Cette thésaurisation accrue, conjuguée avec un taux d'intérêt plus élevé entraîne un effet pervers sur le niveau de l'activité et accentue les tendances récessionnistes de l'économie.

Parallèlement à la thésaurisation en outre, le taux d'intérêt nourrit des comportements spéculatifs, eux aussi très préjudiciables pour la stabilité de l'économie.

Notes
615.

Henri Rodrigues, "France. Emprunt de cent vingt millions. Au rédacteur du Globe", Le Globe, 6 avril 1831.

616.

Idem.

617.

Ibid.