b - La loi sur les faillites est favorable aux propriétaires oisifs.

b1 - Les lois sur les faillites sont durcies pendant les crises.

Nous avons vu que les saint-simoniens nourrissaient à l'égard du système féodal des sentiments assez ambigus : pour l'essentiel, les éléments négatifs l'emportent sur les éléments positifs car même s'il contient quelques principes d'un ordre social disparus avec l'apparition du système capitaliste, il est absurde, inégalitaire et inéquitable.

Mais la crise économique traduit une régression très grave : elle démantèle les principes d'ordre qui peuvent encore subsister du système féodal et elle en fait resurgir les éléments négatifs avec leur lot d'injustices flagrantes, que les travailleurs, faute d'une association suffisamment poussée n'avaient pu réduire suffisamment lors des périodes de développement relatif.

Il en est ainsi des lois sur la propriété qui n'ont pu être expurgées de tous leurs éléments d'archaïsme : leurs capacités de nuisance à l'encontre des travailleurs, toujours intactes, peuvent se manifester dès qu'une crise réapparaît car elles assurent encore des garanties extrêmement solides à toutes les formes de propriété. C'est cet ensemble de lois "qui constitue le passé, l'ancien régime, la hideuse féodalité [qui] accorde à un homme [...] le droit [...] de vivre des sueurs de son semblable au moyen d'une redevance beaucoup plus forte que la dîme" 664 .

Ces lois qui garantissent aux propriétaires la perception d'un loyer sont réactivées lors des périodes de crise. Leur application, en outre, est réactualisée et elle est élargie à la sphère financière et leur capacité de nuisance envers les travailleurs est ainsi aggravée dans de très larges proportions.

Dans les relations financières entre industriels et capitalistes, elles sont entièrement favorables aux propriétaires créanciers en assurant une protection parfaite de leurs capitaux. A l'inverse elles sont d'une très grande sévérité envers les industriels débiteurs : elles se montrent intraitables pour le recouvrement sans tenir aucun compte des difficultés dans lesquelles peut se trouver le débiteur à cause de la crise.

Notes
664.

"France. La grande et la petite propriété", Le Globe, 20 janvier 1831. La dîme est un impôt ecclésiastique apparu en France dès le haut Moyen Âge lorsque les carolingiens la rendent obligatoire. Il est supprimé par la Convention à l'époque révolutionnaire : cet impôt, par conséquent, est lié à toute l'histoire financière de l'Ancien régime. La dîme, comme son nom l'indique, consistait en un prélèvement correspondant au dixième des revenus agricoles et industriels : elle était destinée, à son origine du moins, à financer le fonctionnement et le développement des communautés ecclésiastiques. C'est peut-être en vertu de cette affectation collective que les saint-simoniens la considèrent comme un prélèvement moins lourd que des intérêts versés à des capitalistes individuels : et on retrouve avec cette comparaison au désavantage du taux d'intérêt, l'ambivalence des saint-simoniens à l'égard du Moyen Âge.