Au début du XIXe siècle le système bancaire en France est un système mixte. Des banques départementales libres coexistent dans quelques villes de provinces avec des comptoirs, peu nombreux, de la Banque de France, nous avons déjà abordé ce point.
Rappelons qu'il existe en 1830 trois banques départementales 838 , à Rouen, Nantes et Bordeaux, dont l'ouverture avait été autorisée en 1817 et 1818. A cette même époque, on trouve trois comptoirs de la Banque de France 839 à Lyon et Rouen depuis 1808 et Lille depuis 1810 : ces comptoirs réalisent les mêmes opérations que la Banque de France ; leurs directeurs sont nommés par le gouvernement mais leurs administrateurs au nombre de six à dix sont désignés par le conseil d'administration de la Banque de France. Ces comptoirs d'escompte sont inféodés à la Banque de France : ils dépendent étroitement d'un monopole privé, ce qui pour les saint-simoniens est inacceptable. Leur action est aussi restrictive que celle de la Banque de France : ils fixent le même taux d'escompte ; ils exigent trois signatures ; ils n'émettent que de grosses coupures supérieures à 250 francs. Leurs décisions manquent totalement de souplesse car ils ne s'adaptent pas aux conditions locales et leur existence est un obstacle à la stratégie de développement décentralisé envisagée par les saint-simoniens.
En outre comme nous l'avons encore vu, la Banque de France est réticente à ouvrir de nouveaux comptoirs car leur rentabilité est très inférieure à celle de la caisse centrale de Paris. Le nombre de comptoirs est très insuffisant pour irriguer le territoire tout entier de capitaux circulants, nécessaires à l'industrie.
Nous avons vu comment les saint-simoniens reprochaient à la Banque de France de veiller jalousement sur son monopole d'émission et de faire obstacle à l'ouverture d'autres établissements (cf. supra, p. 264-266). Rappelons qu'il faut attendre 1835 pour voir d'autres banques départementales s'ouvrir en France (cf. supra. n.1, p.293). "La prospérité dont la France commençait à jouir à cette époque, fit sentir le besoin d'augmenter le nombre des institutions d'émission. C'est pourquoi, de 1835 à 1838, cinq banques locales furent instituées dans les départements" (Courtois, op. cit. , p. 148 et sq.). Il s'agit des banques de Lyon, de Lille, du Havre, de Toulouse auxquelles il faut ajouter la banque d'Orléans qui " fut la dernière banque départementale instituée en France" (op. cit., p. 151). En refusant d'autoriser l'ouverture de nouvelles banques départementales après 1838, le gouvernement de juillet se range du côté des partisans du monopole d'émission, alors que dans un premier temps "il semble d'abord disposé à adopter le système mixte de banques départementales libres dans certaines localités et de comptoirs d'escompte relevant de la Banque de France dans d'autres" (Courtois, op. cit., p. 152).
Sur les conditions d'ouverture de ces trois comptoirs et sur leur fonctionnement, on peut lire A. Courtois, op. cit., p. 123-134. Comme nous l'avons vu dans la note précédente, le Gouvernement de Juillet cherche, dans un premier temps à respecter un équilibre entre les banques départementales et les comptoirs de la Banque de France dans leur lutte pour le partage des zones d'influence respective. Cette volonté d'équilibre est assez stricte en outre : "Ainsi, après avoir sanctionné la création de banques à Lyon et Marseille, il autorisa celle de comptoirs à Reims puis à Saint Etienne ; ensuite fondation de banques à Lille et au Havre suivie de création de comptoirs à Saint-Quentin et à Montpellier ; encore fondation de banques à Toulouse et Orléans, accompagnée de près de comptoirs à Grenoble, à Angoulême, [etc]."