b - Le taux d’escompte doit varier en fonction des circonstances.

b1 - Le taux d’escompte ne doit pas être trop élevé.

Avant tout le taux d’escompte ne doit pas être fixé à un niveau trop élevé sinon "[la banque] ne rend pas à l’industrie le service pour lequel elle est instituée" 930 et elle ne facilite pas son financement dans les conditions les plus favorables.

Cette situation tant décriée par les saint-simoniens où des taux d’intérêt trop élevés exercent une ponction insupportable sur le travail, et où la banque "ne concourt pas à entraîner les capitalistes à faire des conditions de prêt plus favorable à l’industrie" 931 , est pourtant la plus fréquente à cette période de l’histoire.

Le comportement de la Banque de France est très malthusien : les effets présentés à l'escompte devaient porter trois signatures ce qui réduisait leur nombre. "L’obligation de trois signatures et l’échéance maximum de trois mois, étant considérées comme particulièrement nuisibles au développement économique du pays" 932 écrit B. Gille, cela "écartait de la Banque une grande quantité d’effets" 933 . En outre, ces effets devaient être timbrés, ce qui entraînait un surcroît de travail, ils devaient arriver à échéance à moins de trois mois afin qu’un terme trop lointain n’augmente pas le risque, et surtout le taux de 4% était rédhibitoire car les banques privées pratiquaient souvent un taux d’escompte inférieur. "Le taux d’escompte de la banque, écrit Enfantin, doit donc être tel que les plus riches banquiers trouvent avantage à présenter à l’escompte une masse de papier correspondante au crédit qu’ils méritent vraiment" 934 , mais ce n’est pas le cas et de ce fait l’activité de la Banque de France est très réduite : elle ne sert même pas à réescompter les effets de commerce puisque le taux d’escompte de la Banque de France était supérieur au taux d’escompte des banques commerciales.

A cause essentiellement de son taux d’escompte trop élevé la "banque de France, dit encore Enfantin, se tient en arrière des premiers banquiers, tandis que ses fonctions de généralité devraient la placer en tête de l’action créditante" 935 : ainsi c’est généralement parce que le taux d’escompte est trop élevé que la banque joue un rôle effacé dans le fonctionnement de l’économie.

Très souvent le taux d'escompte de la Banque de France est trop élevé par rapport aux conditions réelles de l'économie. Ce n’est pourtant pas la seule cause de dysfonctionnement que, d'après les saint-simoniens, on peut observer dans la politique du taux d'escompte de la Banque de France. Il se peut aussi que dans certaines circonstances, ce taux d’escompte soit trop bas.

Notes
930.

P. Enfantin, "Des banques d'escompte", Le Producteur, t. II, n° 16, p. 115.

931.

Ibid.

932.

B. Gille, op. cit., p. 79. Pour illustrer les difficultés rencontrées par les industriels à cause des règles restrictives imposées par la Banque de France, B. Gille cite le cas de Grandin, un des grands industriels d’Elbeuf, qui ne trouvait d’autre solution que d’augmenter le prix de ses produits pour faire face au niveau élevé des taux d’intérêt : "s’il vend des étoffes à Brest, il majore son prix, s’il est réglé en papier sur place. Si son acheteur le paye en papier sur Paris acheté à Brest, il doit, car ce papier est cher faute de retour, ou diminuer son bénéfice de revente, ou, ce qui est plus fréquent, accroître son prix de vente au détail(loc. cit.). Aussi cet industriel, comme beaucoup d’autres, "demandait-il la création de nombreux comptoirs"(loc. cit.).

933.

Idem.

934.

P. Enfantin, "Des banques d'escompte", Le Producteur, t. II, n° 16, p. 115.

935.

Idem.