i - Emettre des billets à terme pour mobiliser la totalité du capital en jouant sur la double nature de la monnaie.

O. Rodriguesdistingue deux formes de capitaux monétaires ou "capitaux monnayés" 1094 : "les capitaux qui circulent pour le règlement monétaire des transactions [et] les capitaux stagnants qui cherchent un placement temporaire plus ou moins long" 1095 .

Les capitaux circulants sont les plus présents dans l'activité : ils semblent les plus apparents et les plus indispensables puisqu'ils sont impliqués dans toutes les transactions qui ont lieu au jour le jour. Les autres, les capitaux stagnants existent à l'état de réserve de valeur pouvant financer l'achat futur d'instruments de travail mais ils sont largement immobiles et de ce fait contiennent aussi une forte proportion de richesses thésaurisées.

Ces deux formes de capitaux se manifestent, nous dit O. Rodrigues qui précise sur ce point l'analyse saint-simonienne de 1825-1832, sous l'apparence de deux types de monnaie dont la nature est très différente. Les capitaux monnayés existent à l'état d'une monnaie-signe permettant d'établir des relations de confiance entre les contractants lors des flux continuels qui constituent le circuit. Les capitaux stagnants sont immobilisés sous la forme d'une monnaie-marchandise constituant une richesse stockée.

Dans ce but O. Rodrigues renouvelle la proposition déjà formulées par Enfantin et par Isaac Péreire 1097 de placer des billets à termes auprès des capitalistes. Ces billets à terme, émis par la Banque centrale, assortis d'un taux d'intérêt "un peu moindre que le taux le plus bas de ses escomptes" 1098 seraient néanmoins très recherchés par les capitalistes puisqu'ils assureraient la rémunération d'un capital jusqu'alors stagnant tout en associant liquidité et sécurité.

Ces billets à terme permettraient de surmonter les problèmes posés par la double structure du capital et ils seraient immédiatement avantageux aussi bien pour les capitalistes que pour la banque ou encore que pour le commerce en général..

La banque verse un taux d'intérêt modeste aux capitalistes ayant souscrit des bons à terme et en même temps elle reçoit un taux d'escompte plus élevé des commerçants dont elle accepte les effets : elle joue sur la différence entre un taux d'intérêt bas et un taux d'escompte plus élevé pour encaisser une prime d'assurance sur les effets escomptés qui renforce son poids financier et son pouvoir d'intervention économique : "la banque réaliserait une prime d'assurance qui serait l'excédent des escomptes perçus par elle sur ceux qu'elle bonifierait aux preneurs de ces billets" 1100 : O. Rodrigues assimile cette prime d'assurance à un monnayage résultant de la mise en circulation d'une quantité importante de monnaie grâce à la conversion de monnaie-marchandise en monnaie-signe.

En outre la banque dispose d'une aisance financière largement accrue grâce aux importantes liquidités qui ont afflué dans ses caisses avec l'émission de ces billets à terme. Elle peut financer des escomptes beaucoup plus nombreux et c'est aussi tout le commerce qui se trouve gagnant.

Notes
1094.

Ibid., p. 22.

1095.

Ibid.

1097.

Cf. sur ce point, supra, les projets d'Enfantin, p. 320-321 ou encore de I. Péreire p. 285-288 et 318-319.

1098.

Ibid., p. 23.

1100.

Ibid.