L’aliment, sa consommation et son incorporation sont fortement dépendantes des représentations qu’en ont les individus. En effet, le produit subit un certain nombre d’interprétations qui le rend consommable ou, au contraire, impropre. Comme le souligne C. Fischler, l’aliment consommé n’a pas qu’un simple enjeu vital.
‘« L’aliment est en effet une fonction biologique vitale et en même temps une fonction sociale essentielle (…). Ses facettes innombrables s’ordonnent selon au moins deux dimensions. La première s’étend du biologique au culturel, de la fonction nutritive à la fonction symbolique (…). La seconde, de l’individuel au collectif, du biologique au social. » 15 ’Bien plus, son incorporation n’est pas neutre puisque l’individu s’imagine investi des propriétés positives ou négatives qu’il attribue au produit ingurgité. La perception que les consommateurs ont d’un produit et des conséquences de son incorporation explique l’acceptation ou le rejet des nouveaux produits. Ceux-ci, qui ne sont pas toujours bien identifiables, ont du mal à trouver leur place au sein du double rapport à l’aliment, l’un d’incorporation – de la culture dans l’individu – et l’autre d’intégration sociale – de l’individu dans la culture. L’apparition de maladies et le développement des O.G.M. révèlent une anxiété alimentaire 16 qui s’exprime à travers l’idée qu’aujourd’hui ‘«’ ‘ on ne sait plus ce qu’on mange »’. C’est pourquoi les produits de terroir répondent à l’attente grandissante d’informations sur la nature du produit consommé. Evoquant les savoirs traditionnels, un terroir et une région, ils véhiculent une forte charge symbolique positive, rassurante et identifiante. Les produits de terroir renvoient à un univers traditionnel jugé ‘«’ ‘ authentique’ », ‘«’ ‘ naturel’ »… par opposition à l’artificiel de l’urbanité 17 , et permettent dans le même temps que l’individu se réinscrive dans un lieu. Le produit, pour être consommable, doit pouvoir être identifié par l’individu. ‘«’ ‘ D’où sans doute l’obsession du label, de l’étiquetage, de la garantie des origines et de la pureté originelle (…) [qui permettent de] réidentifier l’aliment’. » 18 Rien d’étonnant alors que les auberges et l’accueil à la ferme remportent un vif succès le temps d’un week-end ou lors de vacances puisqu’ils permettent d’être au plus près du lieu de production.
De ce contexte national, voire européen, de crise alimentaire apparaît une valorisation du goût, à travers des manifestations (Salon du goût, Semaine du goût…) et des actions placées sous l’égide du Conseil national des arts culinaires (C.N.A.C.).
C.Fischler : L’Homnivore, 1990, pp.12-13.
Voir à ce propos J.-P. Poulain : Sociologie de l’alimentation, 2OO2.
J.-P. Poulain : « Goût du terroir et tourisme vert à l’heure de l’Europe », Ethnologie Française, XXVII, n°1, 1997, p.22.
C.Fischler, op.cit., p.211.