2.5.2. Naissance et vie de l’association

Lors d’une discussion avec Ch. Perraud (président des S.R.G., représentant du site de Guérande et lui-même producteur et représentant des producteurs de sel), j’appris que l’association des S.R.G. émanait en grande partie de sa propre volonté. Ayant reçu, quelques années auparavant, le label ‘«’ ‘ paysage de reconquête’ » décerné par Ségolène Royal, il ne voulait pas que les S.R.G. ne soient qu’un label de plus, sans actions les prolongeant, comme cela était prévu au départ. Il décide donc de convoquer les autres sites pour créer une association et envisager des actions communes. Ce label l’intéresse parce qu’il ne concerne pas qu’un seul domaine comme c’était le cas pour celui de ‘«’ ‘ paysage de reconquête’ », mais qu’il couvre un ensemble cohérent : environnement, économie et gastronomie. Les sels de Guérande sont déjà assurés de leur notoriété, mais Ch. Perraud estime qu’une image, ‘«’ ‘ ça s’entretient’ ».

Cette association, créée en janvier 1996, regroupe actuellement soixante-dix sites. Pour y adhérer, les représentants des sites payent une cotisation de deux mille cinq cents francs par an qui leur permettait de bénéficier de l’aide du C.N.A.C. et de participer à la vie de l’association (rencontres, manifestations). Son but clairement annoncé est de faire connaître le label afin d’attirer un public plus nombreux sur les sites. L’utilisation du logo S.R.G. par les divers acteurs (Office du Tourisme, producteurs, restaurateurs, commerçants...) est définie dans la charte nationale de normalisation graphique à laquelle ils doivent se conformer scrupuleusement. Se sont mis en place des supports promotionnels (panneaux signalétiques, logo, livre, affiches) ainsi qu’un accueil spécifique avec le concours des restaurateurs et des producteurs. Trois étapes constituent la vie de l’association : la première qui suit la sélection, souligne un temps d’identification ; la seconde se caractérise par le début des actions ; la troisième, consécutive à la disparition du C.N.A.C., marque l’indépendance des sites.

  • Une diversité de sites

Le C.N.A.C. lui-même avait mis deux ans pour déterminer quel était le bon interlocuteur sur place (mairie…). De plus, tous les sites, informés de leur sélection par simple courrier, n’ont pas saisi l’intérêt de ce label émanant d’institutions parisiennes. La démarche vers une dynamique S.R.G. a donc demandé un certain temps. ‘«’ ‘ D’abord pour que localement l’idée fasse son chemin »’, et pour que chacun y trouve son intérêt. Au fil des réunions et des rencontres un noyau de sites actifs a vu le jour, qui se sont regroupés en association.

Chaque site est particulier. Outre le produit proposé, le caractère des sites choisi est très variable. Il peut s’agir d’un site industriel (c’est le cas de l’usine Kronenbourg), d’un lieu naturel (comme des marais salants), ou de places marchandes. Le site peut être accessible toute l’année ou une seule fois par an lorsqu’il s’agit de foires. Le responsable du site varie aussi. Ce peut être le producteur lui-même pour les sites à producteur unique (c’est le cas de l’Anis de Flavigny), un groupement de producteurs (les sels de Guérande, par exemple), un organisme fédérateur (Office de Tourisme ou organismes de développement local) ou une association locale spécifique réunissant plusieurs partenaires (ex : Association de la route de la carpe frite en Alsace). Enfin, l’étendue de la réputation de chaque site est très variable, même si une part importante est accordée à la réputation du site. Selon les critères édictés par le C.N.A.C., celui-ci doit en effet avoir une reconnaissance locale ou nationale pour être retenu. On trouve ainsi les sites, aux noms évocateurs, de Guérande (sel), de Saint-Christophe-en-Brionnais et de Saulieu (viande charolaise), de Saint-Nectaire (fromage du même nom), de Marennes (huîtres)… B. S. a pu souligner l’importance d’avoir des sites renommés, pour être porteurs du label et être les ambassadeurs des autres sites moins connus. C’est pourquoi elle proposera à l’association d’aller remotiver des sites comme Cointreau, Bénédictine, Roquefort car ‘«’ ‘ on a besoin de sites dont la notoriété est plus forte que le label »’. Si des sites très réputés ne voient pas, pour eux, l’intérêt d’avoir ce label, d’autres comme le site de Cognac, reconnaissent que, finalement, il ne peut y avoir que des retombées positives. En effet, si le label ne peut leur apporter plus en terme de notoriété, les sites souhaitent apparaître dans la liste des S.R.G., pour confirmer ou légitimer leur statut de représentants du goût.

Le programme des S.R.G. se révèle donc parfois difficile à réaliser par la diversité des sites, de leurs moyens financiers et techniques. Cependant, ils se retrouvent autour de la même envie de faire la promotion de leur site en particulier, et celle des produits du terroir de la France en général.

  • Le début des actions, sous l’égide du C.N.A.C.

Au cours de cette phase, le C.N.A.C. s’est montré très présent dans la vie de l’association. S.R.G. . Dans un premier temps, c’est lui qui va fédérer les sites et créer des liaisons entre eux. C’est par lui que devaient transiter les informations transmises par les sites, après que le C.N.A.C. ait donné son avis, en coordonnant, par exemple, les actions, afin d’éviter que deux manifestations aient lieu en même temps et se télescopent. Le rôle du C.N.A.C. était de gérer l’association et ses actions. A cette époque, il sert également d’intermédiaire entre les sites. Ainsi, deux à trois fois par an il recevait les représentants des sites afin que chacun échange des projets et des informations, et une fois par an, un site les accueillait tous. Une fois par trimestre, la Lettre des S.R.G. était envoyée aux sites. Ce moyen de circulation d’informations internes a cessé avec le départ de A.L. Les grandes lignes des actions à mener étaient décidées lors des assemblées générales. De plus, le C.N.A.C. avait pu obtenir une subvention européenne pour les sites, dont il gérait les dépenses, permettant ainsi la mise en place d’un programme d’ouverture au tourisme de dix sites pilotes dont a bénéficié, par exemple, l’Abbaye de Flavigny pour la création d’un musée, ouvert toute l’année. Ce programme a permis d’élaborer Le guide méthodologique de mise en tourisme des S.R.G. qui sera distribué à l’ensemble des adhérents et sur lequel le C.N.A.C. va s’appuyer pour conseiller les sites, et les inciter à l’action. Les propositions des sites devaient être validées par le C.N.A.C. qui décidait si cela correspondait bien à la ligne directrice édictée.

Selon le C.N.A.C., la vocation des S.R.G. est la mise en tourisme des sites ; c’est pourquoi une attention toute particulière est portée à l’accueil du public (il doit être chaleureux, donner un maximum d’informations et conduire les personnes sur les lieux de productions...) au développement touristique et à la promotion du label S.R.G. Le C.N.A.C. incita ainsi à des actions qui lui semblaient essentielles, comme la visite du lieu de production (quitte à mettre des vitres pour tenir le visiteur à l’écart et respecter les règles sanitaires) et la dégustation des produits chez un restaurateur (qui pouvait signer une charte avec le C.N.A.C., l’engageant à respecter certaines conditions comme celles de préparer des plats régionaux et d’informer sur la provenance...). Pendant cette période, le C.N.A.C. encourage les manifestations locales qui prennent la forme d’animations durant la semaine du goût, de fêtes ou de foires ponctuelles (Marathon du Vignoble d’Alsace le troisième dimanche de mai ; Foire aux Andouilles du Val d’Ajol, en Lorraine, en février ; Glorieuse de Bresse) ou de Salons des Sites Remarquables du Goût (Arèches-Beaufort, Billom, Najac, Salers, Bouzigues) où tous les sites sont conviés et où chacun dispose d’un stand pour présenter ses produits. Ces salons sont présentés comme étant le meilleur support de la communication S.R.G. . C’est pourquoi le C.N.A.C. entend faire respecter un certain ordre. Ainsi, au cours d’assemblées, B. S. rappellera aux sites que seuls peuvent être considérés comme Salon S.R.G., les manifestations où l’on ne trouve que des S.R.G. Une foire locale où sont invités à participer d’autres sites ne pourrait utiliser l’appellation ‘«’ ‘ Salon S.R.G.’ » même si ces sites apposent le logo sur leur stand. Les organisateurs du Salon S.R.G. de Billom ont reçu des remarques de la part de B. S. puisqu’à côté des S.R.G., ils avaient placé des producteurs locaux (de miel, d’asperges, de pâté de cerf…) qui n’avaient pas lieu d’être sur une manifestation réservée aux seuls S.R.G. .

Pour illustrer ce que le C.N.A.C. pouvait attendre des sites et pour les motiver, quelques-uns sont pris en exemple pour leur dynamisme et leurs innovations. Le site de Flavigny est souvent cité : ‘«’ ‘ La jeune femme qui s’en occupe est hyper dynamique. Et au début de la semaine du goût, elle avait à peu près 500 personnes dans le week-end. Après l’obtention du label S.R.G., qui avait été médiatisé, elle a reçu 5 000 personnes’ », relève B. S.. Beaucoup de représentants des sites rencontrés m’ont parlé de ce site et de cette femme, qu’ils connaissent et qu’ils admirent. Le site de Billom est également souvent pris en exemple par le C.N.A.C., et par d’autres sites, pour son dynamisme, dû en partie à la forte personnalité de son représentant. De plus, ce site représente ce que le C.N.A.C. a toujours souhaité : passer d’un site-marché à un site-permanent, signifiant ainsi une démarche active favorable à l’ensemble des S.R.G.

Le C.N.A.C. encourageait également les sites à créer des circuits touristiques et des synergies régionales intersites. Ainsi, il proposait de mettre en place un ‘«’ ‘ système de stimulation ’» qui encourageait fortement le visiteur de l’un des sites à se rendre dans tous les autres sites régionaux participant à l’opération de ‘«’ ‘ stimulation’ ». Les visites, validées par un passeport intersites où seraient apposés les tampons des différents sites, seraient récompensées, au final, par une sorte de panier garni composé de divers produits régionaux. Diverses actions promotionnelles ont été réalisées. Albin Michel a ainsi publié divers ouvrages directement liés aux S.R.G. : leGuide National intitulé Les Sites Remarquables du Goût - Voyage à travers les terroirs de France »  (publié en 1996), et divers volumes de l’Inventaire du Patrimoine Culinaire de la France. En février 1998 a également été ouvert un site internet où chaque site a une page.