1.3. Des réalités d’hier à celles d’aujourd’hui

Foires et marchés n’avaient pas le même rôle et le même intérêt pour la population. Si les marchés avaient essentiellement un but utilitaire, les foires au contraire étaient plus ressenties comme des moments de fêtes autorisant parfois même les distractions. Les foires, qui présentent des objets moins courants que les marchés hebdomadaires ‘«’ ‘ étaient aussi, pour les milliers d’acheteurs qui les fréquentaient, le royaume de l’insolite et du fabuleux’ » 49 . Ainsi M. Bachelard rappelle qu’au Moyen Age, des spectacles en particulier, étaient offerts à la foule. Jongleurs, saltimbanques, funambules, singes dressés, loteries, jeux, mages prédisant l’avenir etc... animaient ces lieux de rencontre. C’était aussi l’occasion, pour la population, de se retrouver et de faire se rencontrer les plus jeunes par l’organisation de bals. ‘«’ ‘ Plus solennelle »’, ‘«’ ‘ plus rare’ », la foire joue un rôle ‘«’ ‘ régional’ » alors que le marché est à vocation plus limitée. » 50 Aujourd’hui encore, le marché s’inscrit dans le quotidien, alors que la foire, moins fréquente, conserve un caractère exceptionnel et festif par la profusion d’objets plus ou moins insolites mais très variés, par la présence d’animations (démonstration de danses, expositions…) et par le rassemblement d’une vaste population. Pour la population locale, la foire n’est plus le seul lieu de rencontre, mais on observe toutefois qu’elle est encore un moment attendu et que, dans les petites communes rurales, elle demeure un moment de grandes retrouvailles. Répondant aux besoins quotidiens, courants, le marché a une dimension très locale tandis que la foire a un rayonnement plus étendu. Ainsi, les forains viennent de plus loin et la population arrive de toute la région, ce qui peut s’observer à travers les conflits qui naissent entre jeunes de villages différents. De manière générale, les échanges – économiques ou sociaux – qui ont lieu au moment des foires sont plus importants et couvrent un territoire plus large que lors des marchés. Le marché est surtout en lien avec l’existence d’une ville à l’essor de laquelle il a parfois participé. Au XIXe et au début du XXe siècle, il traduit un réseau d’échanges bien établi entre la ville et la campagne environnante qui écoule ses marchandises. Aujourd’hui encore, les productions locales sont en bonne place sur les marchés, chaque région ayant ses produits, qui ne seront pas présents partout. De plus en plus, on observe trois mouvements concomitants : l’homogénéisation des produits ; l’essor de productions communes à toutes les régions et devenues d’usage courant ; la large diffusion, sur tout le territoire, de productions locales. Le marché demeure néanmoins réservé aux produits de première nécessité, peu manufacturés et renouvelables (comme les produits frais, alimentaires). Les foires, quant à elles, se sont développées dans les bourgades et les petites villes. J.-M. Sorba relève que ‘«’ ‘ la foire va de pair avec l’importance de l’élevage, la médiocrité des densités humaines et la faiblesse de l’urbanisation’. » 51 Les foires sont caractérisées par la variété de leurs marchandises parfois issues des échanges avec les régions voire les pays voisins, excepté en Corse où il existe une relative spécialisation micro-régionale. La foire, terrain de nouveautés, devient de plus en plus un espace réservé aux productions locales.

Notes
49.

M. Bachelard, op cit, p.15.

50.

I. Senaffe : « Foires et marchés dans les temps passés », in Ethnozootechnie, n°35, p.3.

51.

J.-M. Sorba, op cit, p.9.