1.5. Points communs et différences entre les fêtes, les foires et les marchés

Ces manifestations sont des places marchandes qui se situent en marge des modes de distribution contemporains. Premières formes de commerce, elles s’inscrivent dans une histoire et une mémoire collectives, régionales et nationales. Elles sont aussi des lieux privilégiés pour la vente des productions locales. Assez semblables, elles se distinguent par leur implication particulière dans la société et le rythme qu’elles lui donnent. En effet, si ces manifestations ont beaucoup évolué, elles semblent toujours rythmer le temps et le travail de l’homme.

Les marchés hebdomadaires appartiennent à la vie quotidienne. Leur fonction principale est l’approvisionnement des particuliers ou des professionnels. Dans tous les cas, contrairement aux apparences, ils entrent dans un cadre rigide, ou du moins réglementé. Ils dépendent, pour la plupart, des municipalités qui organisent, gèrent et perçoivent des droits de place.

Les foires, annuelles, rythment les activités agricoles (les fêtes ont souvent lieu à la fin des récoltes) et les pratiques cycliques (chapons et poulardes ne sont préparés que pour Noël). Comme les marchés, elles ont des règles strictes à respecter, mais celles-ci relèvent de normes d’hygiène, de contrôles sanitaires, d’organisation, d’emplacement. Elles sont surtout destinées à valoriser une filière et ont souvent partie liée avec les chambres d’agriculture et les syndicats. Elles sont organisées par des associations (confrérie, comice agricole). Elles restent très ancrées au monde professionnel, même si, de plus en plus, des comités des fêtes s’associent à lui pour créer des animations destinées à attirer un public plus large.

L’objectif des fêtes est avant tout d’animer une ville, par le biais d’un produit associé à l’identité de celle-ci, de ce qui la caractérise. Le produit gastronomique, le plaisir de manger, associés à la notion d’art de vivre, sont d’ailleurs souvent soulignés comme participant activement à la création d’un esprit de fête. Les fêtes, quant à elles, bien qu’étant proches des milieux professionnels – elles sont initiées et font appel à des groupements de producteurs, des syndicats… – n’ont pas pour vocation première et initiale de mettre en valeur une filière. Elles ‘«’ ‘ fêtent’ » un produit, le proposent, l’exposent, le font découvrir, mais sous un aspect très ludique. Une association à caractère festif est souvent à l’origine de l’organisation de la fête. On remarque par exemple que la Confrérie des Grands Goussiers se veut plutôt modeste. Elle est beaucoup moins ritualisée et beaucoup moins empreinte de solennité et de sérieux que l’Ambassade du Charolais.

Si les municipalités sont directement impliquées dans l’organisation des marchés, en ce qui concerne les fêtes et les foires, elles participent financièrement, prêtent des lieux, mettent à disposition des employés municipaux. Elles laissent les organisateurs libres, dans la limite des accords ou arrêtés (notamment pour ce qui concerne la circulation ou le stationnement des voitures, perturbés ces jours-là).

Ce qui unit le plus sûrement les foires, les fêtes et les marchés, se trouve dans la façon dont ils sont perçus et dans les fonctions non-marchandes qu’ils remplissent. Inscrits dans des temps particuliers de la vie locale, les foires, les fêtes et les marchés ont chacun un rôle à jouer dans la distribution des produits : commercialisation, valorisation, communication. Si les trois manifestations sont bien distinctes, elles entretiennent toutes un rapport spécifique aux produits auxquels elles apportent une plus-value en termes d’image. Nous verrons dans la deuxième partie comment ces places marchandes peuvent modifier le regard que l’on porte sur les produits qu’elles présentent, en les sublimant par l'évocation plus ou moins artificielle de liens à la nature et au lieu. De plus, toutes trois expriment un lien à l’identité locale dont elles peuvent passer pour des représentantes. Nous verrons ainsi, dans la troisième partie, comment ces lieux permettent de produire une image valorisante d’une ville à des fins touristique, qui sera renforcée par le label S.R.G. .