Fêtes, foires et marchés : miroir d’une société qu’ils rassemblent

Rythmant le travail et la vie sociale, fêtes, foires et marchés révèlent un mode de vie en lien avec la terre, les saisons, de même que des coutumes et des croyances (en particulier pour les foires). Repères chronologiques, les fêtes et les foires sont un moment où temps de travail et temps de loisir se mêlent étroitement. En effet, on s’y rend pour les affaires (vendre ou acheter des bestiaux, par exemple), mais on s’y rend également pour rompre avec le temps de travail et participer à des loisirs collectifs.

Bien que souvent considérées comme ‘«’ ‘ dépassées’ », ‘«’ ‘ archaïques’ », voire ‘«’ ‘ folkloriques’ », ces places marchandes révèlent au contraire des modes de vie et des mentalités qui leurs sont contemporains. Elles s’avèrent également être dotées d’une forte capacité d’adaptation aux progrès techniques, et ne manquent pas d’innover pour perdurer, tout en gardant des formes traditionnelles.

‘« En même temps qu’ils demeurent de vivantes images, toujours en évolution, des particularismes régionaux, ils constituent de précieux tableaux d’une société, avec ses mythes, ses jeux de rôles bien établis, mais aussi ses secousses, ses problèmes, ses angoisses ou ses rêves…(…) Le marché, la foire : un microcosme, une représentation d’un monde en évolution, une fresque vivante, ici et maintenant, d’hier à aujourd’hui. » 69

Ainsi, foires et marchés ne sont pas de simples archaïsmes du passé, ils sont aussi le reflet d’une société en évolution. Ils participent même à cette évolution en favorisant les échanges d’informations. D. Mandon qui parle de ‘«’ ‘ dégénérescence’ » 70 , de ‘«’ ‘ dégradation’ » 71 du sens, du contenu de la fête, montre que ce mouvement accompagne le changement de mode de vie et de mentalités au sein d’une société, désacralisée, individualiste… Pourtant, il semble que l’homme serait aussi un homo festivus, l’incitant ainsi à créer de nouvelles formes de fêtes (fêtes anniversaires, techno parade, fête folklorique…). Ainsi, la fête traduit une nouvelle façon de vivre, de nouvelles préoccupations. Les crises alimentaires que l’on connaît actuellement sont également perceptibles sur les marchés, d’un côté par la mise en application des nouvelles normes européennes imposées aux vendeurs de produits alimentaires et de l’autre, par les attentes et les craintes exprimées par les consommateurs. Ces sujets seront ainsi observés (par les médias) et discutés par les chalands et les commerçants, lors de ces rencontres.

Ces lieux sont aussi et surtout des lieux de rassemblement et de parole partagée inégalables surtout lorsque les occasions de se retrouver sont rares. ‘«’ ‘ Par définition, le marché et la foire, lieux de négoce, attiraient au moins autant par la foule qu’ils rassemblaient que par les marchandises qu’ils exposaient – ce qui reste encore partiellement vrai aujourd’hui’. » 72 C’est aussi un lieu où l’on se retrouve entre soi. Les foires et marchés sont aussi des lieux de propagande (politique ou non), de circulation d’informations. Les foires surtout, qui réunissent beaucoup de monde et sont l’occasion d’organiser des bals, sont également présentées comme champ matrimonial. La population marque ainsi un certain attachement à ces manifestations où elle prend plaisir à se rendre pour des raisons soit utilitaires soit plus ludiques et qu’elle continue de fréquenter ‘«’ ‘ par habitude’ ». De la même façon, les fêtes, bien que sécularisées et vidées de leur sens profond, possèdent toujours cette capacité à réunir des gens, à les faire vivre ensemble, à leur communiquer une émotion, une envie de partage commun.

Notes
69.

M.Bachelard, op cit, p.9.

70.

MANDON D. : Trouble fête. La fête éclatée miroir d’une société, 2000, p.177.

71.

Ibid, p.178.

72.

P. Lamaison, in Etudes Rurales, n°78-80, p.199.