Une histoire qui dure

M. Bachelard 73 affirme que les foires et les marchés sont la première forme de commerce. Si l’on en croit les observations relevées dans Etudes rurales 74 ainsi que celles faites par M. de la Pradelle 75 et confirmées par M. Pacaut 76 dans son étude du Louhannais, ceux-ci ont connu une évolution très semblable dans toute la France. Nés dans un passé très lointain, c’est au Moyen-Age, avec l’essor du commerce international, que les marchés – qui se développent autour de quelques centres importants – connaissent un énorme succès. R. Bonnain souligne à ce propos que ‘«’ ‘ la localisation des places marchandes se confond la plupart du temps avec l’implantation des villes dont elles ont souvent été le moteur depuis le Moyen Age’  ». 77

Jusqu’au IXe-Xe siècle, la société était composée d’unités – les villes – repliées sur elles-mêmes, assurant une économie d’autosubsistance où le paysan pourvoyait à ses besoins et à ceux du seigneur. Des échanges de matières premières comme le fer ou le sel étaient toutefois nécessaires. Néanmoins, c’est au XIIe siècle, avec l’essor du commerce international que les échanges vont s’intensifier et que nombre de foires et marchés vont être créés. Le volume des échanges – qui concernent essentiellement des matières premières issues de l’artisanat – est augmenté par la demande des cours seigneuriales pour des produits de luxe tels les vins de régions françaises et en particulier du Bordelais, les draps de Flandre, les épices et les teintures d’Orient, les armes d’Allemagne…

Quelques places marchandes, comme les foires de Champagne et de Flandre, deviennent très attractives. Les foires situées sur les grands axes de circulation (fluviale ou routière) comme les foires de Chalon font partie de ces lieux qui attirent à eux les marchands. Les villes parcourues en bénéficieront puisqu’elles verront naître des échanges commerciaux et parfois même l’installation de marchands et d’artisans, contribuant ainsi aux vocations commerciales et artisanales de nombreuses villes.

Depuis longtemps, le cœur des villes est un lieu où les paysans amenaient leurs produits agricoles (céréales, légumes, fruits, volailles, œufs…), surplus d’une économie d’autoconsommation. Tout au long de l’année, au gré des saisons, un échange de produits du quotidien s’effectuait entre les villes et les campagnes. Les gros bestiaux n’étaient vendus qu’une fois l’an. Le déplacement sur les foires et marchés n’était alors qu’une étape dans le travail agricole quotidien puisqu’ils en constituaient la phase de commercialisation. Avec l’essor du commerce international, les villes traversées furent aussi, pour les marchands (drapiers essentiellement) qui se rendent vers les grandes foires, occasion à déballage. Ce phénomène favorable sera encouragé par les chartes de franchises accordées dans toute la France au cours du XIIIe siècle favorisant les libres échanges et une facilité de circulation des hommes et des marchandises. Les seigneurs puis les villes, qui voient là un intérêt financier (grâce aux droits d’octroi et autres taxes sur les marchandises ou leur stockage) autorisent la tenue des foires et marchés tout en les réglementant. L’histoire des villes est étroitement liée à celle des foires et des marchés : les foires et marchés participent à l’enrichissement des villes – et des seigneurs – et permettent d’asseoir leur prestige, par l’intermédiaire des grosses foires.

Les foires et les marchés créent un véritable pôle attractif, dynamisant les échanges marchands. Ainsi apparaissent partout des places réservées aux échanges, découlant des conjonctures socio-économico-politiques du moment. D’après M. Bachelard, ‘«’ ‘ de manière générale, les manifestations les plus anciennes sont aujourd’hui les plus importantes’ » 78 , faisant ainsi le lien entre le succès connu par certaines places marchandes et leur ancienneté.

Notes
73.

M.Bachelard, op cit, p.8.

74.

cf en particulier les articles de Wackermann, Groshens et de Vergneau.

75.

M. de la Pradelle : Les vendredis de Carpentras, faire son marché en Provence ou ailleurs, 1996.

76.

PACAUT P. : Louhans, des origines à nos jours ; La ville et le louhannais dans leur histoire, 1984.

77.

R. Bonnain, op cit, p.232.

78.

M.Bachelard, op cit, p.93.