Des pratiques différentes selon les lieux de commercialisation

Un rapport de l’INSEE 88 révélant une croissance générale de la consommation dans tous les types de commerce, montre qu’elle n’est pas égale partout. En effet, alors que les petits magasins d’alimentation spécialisée et d’artisanat commercial voient leur chiffre d’affaires stagner voire même souvent diminuer, les petites surfaces et les marchés ont connu une augmentation – légère – de leur chiffre d’affaires depuis 1995. Les grandes surfaces et les magasins spécialisés ont largement profité de la reprise économique.

‘« Si au cours d’une semaine 87% des ménages se rendent en grande surface alimentaire ou dans un maxidiscompte, 30% continuent de fréquenter les marchés et 65% les boulangeries. Cependant, près des trois quarts des dépenses alimentaires sont réalisées en hypermarchés, supermarchés et magasins de maxidiscomptes. Les supérettes et petites alimentations générales recueillent surtout les achats de dépannage et servent une clientèle âgée. Les boucheries ou charcuteries ont en revanche davantage gardé des clients fréquentant les grandes surfaces. » 89

Ainsi, les grandes surfaces sont davantage le lieu d’achat des ménages et des jeunes. C’est aussi ici qu’on y dépense le plus. Non seulement on fait des provisions pour la semaine, voire pour le mois, mais les achats y sont également très diversifiés et de gros achats peuvent y être effectués (matériel électroménager, hi-fi…).

Le rapport d’avril 2000 révèle que les grandes surfaces d’alimentation générale représentaient 64,7% des parts de marchés concernant les produits alimentaires, contre 16,8% pour l’alimentation spécialisée et l’artisanat commercial (dont boulangeries-pâtisseries et boucheries-charcuteries) et 3,7% pour ‘«’ ‘ autres’ » (surgelés, fruits et légumes, boissons, points de vente collectifs, marchés). Concernant les produits non-alimentaires, les magasins non-alimentaires spécialisés arrivent en tête avec 42% des parts de marché, suivis des grandes surfaces d’alimentation générale avec 20%, et 1,9% pour la catégorie ‘«’ ‘ autres’ ».

Si les biens non-alimentaires (comme les produits d’équipement) sont largement achetés dans les grandes surfaces, les petits commerces alimentaires (marchés, boulangeries-pâtisseries, boucheries-charcuteries, et poissonneries) bénéficient d’une image positive, valorisée par les consommateurs. Néanmoins, leurs habitudes les conduisent souvent à faire leurs achats en denrées alimentaires dans les grandes surfaces qui possèdent aujourd’hui des marques aux noms évocateurs ‘(’ ‘«’ ‘ Reflets de France’ », ‘«’ ‘ Terre et Saveurs’ ») voire des rayons entiers consacrés aux produits ‘«’ ‘ bio’ », ou aux produits de terroirs. La chaîne Carrefour a, quant à elle, créé un label ‘«’ ‘ Filière Qualité Carrefour’ » doté d’un véritable cahier des charges. D’après son annonce faite dans les prospectus qu’elle distribue, il concerne des produits sélectionnés pour leurs qualités gustatives, dont les méthodes de production, respectueuses de l’environnement, s’accordent au rythme des saisons‘. ’ ‘«’ ‘ Nos choix participent à la préservation du patrimoine agricole de nos terroirs’ ‘ 90 ’ ‘ »’ y-est-il inscrit en conclusion. Toutes ont également un rayon boucherie, poissonnerie, fromagerie… Bien que les marchés se soient maintenus et aient conservé un rôle économique non négligeable, en particulier dans la distribution des produits frais, les grandes surfaces leur ont porté un grave préjudice. Ils ont toutefois mieux résisté que les petits commerces ruraux qui ferment tous les uns après les autres en laissant le cœur des villages déserts. Toutefois, bien qu’aujourd’hui les foires et marchés demeurent, beaucoup d’entre eux ont disparu et tous ne font pas preuve d’une grande vitalité. En 1985, I. Senaffe remarque que jusqu’à une période récente, les marchés ont mieux résisté à la modernisation que ne l’ont fait les foires. En effet, selon elle, le marché est mieux adapté à une ‘«’ ‘ forte urbanisation »’ et est ‘«’ ‘ mieux intégré à l’économie d’échange’ » 91 , alors que les foires sont très représentées ‘«’ ‘ dans les départements les moins urbanisés et ceux où l’activité manufacturière et commerciale est de faible intensité.’ » 92 Celles-ci seront donc plus touchées par les profondes transformations de la physionomie du monde rural (en particulier l’exode).

Pourtant, les supérettes, les boulangeries et les marchés sont très appréciés pour leur proximité et le contact du commerçant. Pour ces formes de commerce, les dépenses sont peu élevées. ‘«’ ‘ A la recherche de convivialité et d’un large choix de produits frais, 30% des ménages se rendent sur les marchés ; 12% s’y approvisionnent même au moins deux fois au cours d’une semaine. Un achat moyen s’élève à 66 francs.’ » 93 La clientèle des marchés est assez âgée. Près d’un client sur deux a plus de 60 ans alors que seulement 4% de la clientèle a moins de 30 ans » 94 . M. Bachelard distingue une différence de consommation selon le lieu où se tient le marché : ‘«’ ‘ la part relative des achats non-alimentaires est nettement plus importante dans les petites villes où la moitié des clients a déclaré venir au marché pour un achat non-alimentaire, contre un quart seulement des acheteurs dans l’agglomération tourangelle.’ » 95

Le rapport de l’INSEE relève que ‘«’ ‘ les habitants de l’agglomération parisienne font plus volontiers leurs courses sur les marchés que ceux des villes moyennes’. 96  »

Notes
88.

C.Berthier, B.Lutinier, Ch.Nivet, S.Seguin : « Le commerce en 1999. Une croissance confirmée », in INSEE Première, n°708, avril 2000.

89.

I. Eymard : « De la grande surface au marché : à chacun ses habitudes », in INSEE Première, n°636, mars 1999, p.1.

90.

Prospectus distribué par Carrefour, mars 1999. 

91.

I. Senaffe, op cit, p.8.

92.

Ibid., p.7.

93.

I. Eymard, op cit, p.3.

94.

Ibid., p.3.

95.

M. Bachelard, op cit, p.170.

96.

INSEE, n°636, mars 1999, p.3.