2.4.1. Rassembler pour reformuler un espace social

Dès l’origine, foires et marchés ne se limitent pas à l’échange économique. Echanges sociaux et symboliques se sont toujours trouvés associés à ces manifestations qui rassemblaient en masse les populations en particulier lorsqu’il s’agissait de foires.

Un monde fabuleux

Au Moyen-Age, ‘«’ ‘ ces foires étaient aussi, pour les milliers d’acheteurs qui les fréquentaient, le royaume de l’insolite et du fabuleux. On y venait admirer, au milieu des étals et des tréteaux des jongleurs acrobates et funambules, des singes dressés, des ventriloques, des nains,… des mages prédisaient l’avenir et des bouffons attiraient l’attention de la foule sur tel ou tel commerce.’ » 109 Encore aujourd’hui les foires se prolongent parfois d’une fête foraine ou laissent un périmètre déterminé à un manège, un stand de jeux ou de confiserie.

La foire étant considérée comme un événement, on sort les tenues du dimanche, surtout les femmes, puisqu’une tenue soignée pour les hommes n’est pas recommandée sur le foirail !

La première caractéristique de ces manifestations est leur capacité à drainer des populations venues de plus ou moins loin. S’ils constituent ainsi l’élément principal de la sociabilité et de la constitution de la communauté, certains ne voient pas ces manifestations d’un bon œil. De nombreux textes des XVIIIe et XIXe siècles décrivent le désarroi qu’ont leurs auteurs (maire, notable, homme d’église) devant tant d’excès qui donnent lieu parfois à des dérives (vols, émeutes, rixes…) sans parler de ceux qui n’y voient là que perte de temps et encouragement à l’oisiveté 110 . La foire apparaissant comme un moment de rupture dans le travail annuel, favorisait des comportements festifs de collectivité : partage de nourriture et de boissons – alcoolisées – suivi d’un bal. On retrouve encore aujourd’hui ces trois éléments. Une ambiance festive contribue à encourager les repas copieux et la consommation d’alcool. Souvent ces rassemblements sont l’occasion de bals. Aujourd’hui encore on en organise lors des fêtes annuelles et un repas collectif est souvent proposé, dans la salle des fêtes ou sous une halle, comme à Saint-Christophe-en-Brionnais. Si les anecdotes sont nombreuses évoquant untel qui n’est pas rentré chez lui après et qu’on a retrouvé le lendemain ‘«’ ‘ cuvant’ » dans la paille près de sa vache (histoire entendue à Saulieu), on évoque maintenant le gendarme qui guette ! Ces rencontres, loin de n’être que débauche sont avant tout un moment où l’on prend le temps de se retrouver, par opposition au reste de l’année où l’ ‘»’ ‘ on se croise en tracteur, on se fait signe, mais c’est tout (…). C’est la fête. »’ Et si en plus on a un prix, ça s’arrose, me fait-on remarquer à Saulieu, pour le concours. ‘«’ ‘ C’est le seul moment de l’année qu’on peut s’amuser ! »’.

Notes
109.

Ibid., p.15.

110.

R.Bonnain, in Etudes rurales, n°78-80, pp.62-63.