Les fêtes, les foires et les marchés, un rôle dans la reproduction sociale

Au XIXe et au début du XXe siècle, les principales fonctions non-marchandes des fêtes, foires et marchés peuvent se résumer ainsi :

  • Fonction de sociabilité. En tant que lieu de rencontres, les places marchandes permettent de créer des liens et de marquer son appartenance. Elles renforcent l’en-groupe professionnel ou géographique, d’où des exclusions sous forme de rixes avec des bandes venues des villages voisins. Elles permettent aussi aux jeunes gens de se rencontrer. Du moins, comme le précise R. Bonnain, ‘«’ ‘ les rencontres ne s’y faisaient pas, elles s’y scellaient ’» 111 , la rencontre ayant eu lieu quelques temps plus tôt, à l’occasion d’un bal. 
  • Fonction éducative. Les foires et marchés participent à l’éducation des enfants. ‘«’ ‘ Ce type de rassemblement est aussi un lieu d’apprentissage des valeurs, celle de l’argent et de la parole donnée en premier lieu ; c’est pourquoi on y conduit les jeunes. »’ 112 Ces mêmes enfants voués à suivre les traces de leurs parents y observent déjà les savoirs, savoir-faire et savoir-être inhérents à leur profession et à leur sexe. Aujourd’hui encore les foires et marchés participent à l’éducation des enfants : ce sont surtout les animaux vivants qu’on vient leur montrer. Les foires et marchés permettaient également aux enfants de repérer la séparation sexuée de l’espace et la répartition des tâches de chacun : les hommes allaient vendre les gros bestiaux alors que les femmes étaient chargées de la volaille et des légumes.
  • Fonction de circulation des informations et des innovations techniques. A l’heure où la télévision n’existait pas, ces rassemblements étaient d’excellents moyens de circulation des informations. On se tenait au courant des innovations techniques, des cours, de la santé d’untel… Les foires pouvaient, par des expositions ou des démonstrations, apporter de nouvelles connaissances techniques, de nouveaux matériaux ou outils. Et si aujourd’hui les places marchandes, relayées par les médias, ne sont plus des lieux de novation pour les modes et les habitudes de consommation, elles les confirment sans aucun doute. 113
  • Fonction de cohésion sociale. Les foires et marchés ont été les moyens les plus efficaces pour la circulation des informations, la transmission ou l’échange d’idées. Leur capacité de rassemblement est encore aujourd’hui exploitée par les politiques au cours de leur campagne électorale. Les prospectus publicitaires (informant de la prochaine tenue d’un marché aux puces ou d’une fête de village) y sont largement distribués. Aujourd’hui, cette fonction de circulation des informations a, elle aussi, été reprise par les médias. Néanmoins, elle reste nécessaire dans le maintien du lien social par l’échange d’informations interpersonnelles. Cette fonction est réappropriée à travers un échange producteurs/consommateurs. Les cafés où peuvent se prolonger les rencontres jouent un rôle important. Ces rôles (de circulation des informations et de pénétration des nouveautés) sont très importants dans la cohésion et l’organisation sociale. On peut remarquer que leur diffusion est plus ou moins grande selon qu’il s’agit d’un marché ou d’une foire. En effet, le marché à vocation quotidienne n’a une influence que très locale, alors que la foire, plus rare et considérée comme un ‘«’ ‘ événement’ », comme une fête, joue un rôle ‘«’ ‘ régional’ » 114 .
  • Fonction d’animation des villes. Cette fonction est celle qui est la plus recherchée. La foire la fête et le marché sont en soi une animation. Mais, souvent, s’y ajoutent des animations ‘«’ ‘ culturelles’ » : jongleurs, groupes de danse, pom pom girls…
  • Fonction d’affirmation identitaire. Pour M. de la Pradelle, l’acte de faire son marché participe à ‘«’ ‘ affirmer son appartenance locale’ » 115 et ‘«’ ‘ faire son marché devient un acte culturel, un acte d’adhésion à l’esprit du lieu ’». 116 Les fêtes et les foires ne contiennent pas cette dimension avec autant de puissance. En effet, elles peuvent s’appuyer sur des dimensions identitaires mais elles n’engagent pas les personnes (l’absent de la fête ne sera pas déchu de son identité). Cela peut trouver son explication par la fréquence et l’histoire récente des fêtes.

Notes
111.

Ibid., p.58.

112.

Ibid., p.66.

113.

Ibid., p.59.

114.

I. Senaffe, op cit, p.3.

115.

M. de la Pradelle, op cit, 1996, p.324.

116.

Ibid., p.344.