3.1.2.1. Des règlements stricts combinant normalisation et tradition

Ces marchés sont organisés par la municipalité qui détient le(s) règlement(s), fait régner l’ordre et perçoit les droits de place. Il existe ainsi souvent une Commission des marchés, qui réunit (à Louhans) le maire ou son adjoint, des conseillers municipaux, les représentants des commerçants non-sédentaires, les représentants des commerçants sédentaires, des gardes municipaux et des placiers. Cette commission se réunit une fois par an (ou plus, pour répondre à un problème ponctuel) afin de réactualiser le règlement, si besoin en était, de préciser la tenue ou non du marché pour les jours fériés, et de redistribuer les places. Ceci ne s’effectue officiellement qu’à ce moment précis, un nombre limité de places étant réservé aux abonnements, les autres, inscrits sur la liste dite ‘«’ ‘ du rappel’ » (rappelé par le placier qui redistribue les emplacements restés libres après l’installation des abonnés) pouvant occuper régulièrement une même place, mais n’en étant pas assurés. Des souhaits sont aussi émis par les commerçants non-sédentaires qui veulent un nouvel emplacement ou désirent étendre leur étal. L’affectation d’une place est attribuée en priorité aux commerçants inscrits sur la liste de fréquentation du rappel en fonction de leur rang sur cette liste, (c’est-à-dire selon l’ancienneté), tout en tenant compte des articles définis par le règlement. Les demandes ne seront donc pas toutes satisfaites, d’autant plus qu’il y a souvent plus de demandes que de places vacantes. Du moins en est-il ainsi pour Louhans puisque chaque ville met en place son propre règlement, qu’il réactualise en fonction de son expérience, des questions soulevées et des besoins de chacun. Néanmoins ils se réfèrent tous plus ou moins au règlement national. Il s’agit en fait de deux règlements ayant valeur à l’échelle nationale, et établis par les deux syndicats, opposés, des commerçants non-sédentaires. Peu de mairies les possèdent, mais elles en connaissent vaguement le contenu, qui est évoqué durant les réunions de la commission. On remarque aussi que beaucoup s’inspirent des règlements d’autres municipalités souvent voisines. Généralement, d’une année sur l’autre, les règlements sont très peu modifiés. Quelques points seulement sont précisés ou ajoutés.

  • Les règlements des marchés de Sarlat (qui date de 1983) et de Louhans (1994 pour le centre ville, 1996 pour le marché agricole) sont de fait assez semblables et concernent des points identiques. Ainsi, ils précisent tous les deux :
  • Le nombre, la durée, le jour des marchés avec parfois des précisions lorsque le jour du marché tombe un jour férié. Les horaires de début et de fin d’exposition sont aussi réglementés. Ils varient au cours de l’année (horaires d’été, horaires d’hiver).
  • Les lieux : chaque rue ou place où se tient le marché est citée, avec le produit qui lui est particulièrement réservé. Ainsi, à Sarlat, la place de la Liberté, la place Boissarie et la rue Fénelon accueillent les produits fermiers. D’autres rues, parfois les mêmes, accueillent les produits alimentaires, les produits manufacturés, les animaux vivants, le matériel agricole.
  • Les produits : certaines places voire marchés entiers sont réservés à un certain type de produits. Certains aspects sont parfois clairement interdits, comme les jeux de hasard. Certains sont limités, comme les démonstrateurs, à Louhans, où deux seulement, choisis par tirage au sort, sont autorisés à s’installer.
  • Le statut : les commerçants non-sédentaires qui veulent être admis sur un marché doivent être inscrits au registre du commerce. En matière artisanale, ils doivent présenter une inscription au répertoire des métiers (s’il est chef d’entreprise de l’Artisanat), une carte d’affiliation ou un bordereau d’appel des cotisations de la Caisse maladie des professions libérales (s’il est artiste indépendant) ou une carte d’adhésion à la Maison des artistes. Les producteurs agricoles doivent présenter un bordereau de cotisation à l’Assurance maladie des exploitants agricoles.

La majorité des commerçants non-sédentaires se trouve dans la première catégorie. Les producteurs agricoles et artistes/artisans qui étaient autrefois seuls présents sur les marchés sont moins nombreux. La plupart des producteurs agricoles vend également sur l’exploitation. Le marché est surtout pour eux un moyen de voir du monde et de rencontrer une nouvelle clientèle. Les producteurs agricoles se rendent sur deux ou trois marchés par semaine. Les ‘«’ ‘ commerçants’ » feront un roulement sur la semaine, se déplaçant jusqu’à soixante dix kilomètres par jour en moyenne. Certains possèdent également un commerce sédentaire.

  • L’affectation des places : les places sont attribuées en fonction de l’ancienneté de la fréquentation du marché. Un nombre limité de jours d’absence est autorisé, sous peine de réattribution de l’emplacement à un autre commerçant. Ceux qui ont un emplacement ont, pour la plupart, un abonnement à l’année. Les places vacantes sont attribuées avant l’ouverture du marché, par le placier, qui vérifiera les papiers du commerçant et encaissera les droits de place, calculés au mètre. Les arcades qui bordent la rue principale de Louhans sont considérées comme propriétés privées. Certains commerçants sédentaires installent donc parfois des éventaires, tandis que d’autres autorisent des commerçants non-sédentaires à s’installer gracieusement, échappant ainsi au règlement municipal et ainsi à tout paiement d’un droit de place.
  • Différents articles du règlement tendent à faire respecter l’occupation des sols (les emplacements sont visualisés par des marques au sol), l’accès (aux maisons ou aux boutiques, par exemple) et la circulation (en particulier celle des véhicules de secours), ainsi que la propreté des lieux, le respect du règlement…
  • Le règlement vise également à faire respecter la concurrence avec les commerces sédentaires ou entre commerces non-sédentaires. Il est donc interdit de masquer les magasins ou d’en gêner l’accès, d’aller au devant des chalands ou d’annoncer par des cris la nature et le prix des articles. L’utilisation de micros est d’ailleurs interdite. De plus, au moment de l’attribution des places, la commission des marchés comme le placier visent à ‘«’ ‘ harmoniser’ » les différents types de produits, en essayant de ne pas mettre deux commerces identiques ou antagonistes (poissonnier/fleuriste par exemple) côte à côte.

On remarque qu’il existe des règles implicites et une certaine permissivité dans la mise en application des règlements, surtout édictés par ‘«’ ‘ l’habitude’ ». Le règlement n’est pas toujours consulté et chacun autorise ce qui lui semble bon ou non, dans le respect des normes, de la concurrence et des projets municipaux. Chaque marché a donc ses règles propres, ses ‘«’ ‘ habitudes’ ». La secrétaire des Affaires générales de Louhans remarque également qu’il est essentiel de conserver l’aspect ‘«’ ‘ varié »’ et ‘«’ ‘ bigarré’ », singulier au marché : ‘«’ ‘ Y a des communes dont le marché se meurt parce qu’elles ont voulu peut-être trop réglementer, trop compartimenter, et en fait, le marché a perdu de son caractère cosmopolite, bariolé, surprenant, en fait ».’