3.2. Les fêtes et les foires annuelles : des événements professionnels et festifs

Face à ces marchés, on trouve d’autres formes de rencontres marchandes, nées elles aussi au Moyen-Age, mais qui n’ont lieu qu’une fois par an : les fêtes et les foires. De par leur périodicité, leur ‘«’ ‘ rareté’ », elles prennent un caractère beaucoup plus festif ou du moins plus ritualisé, à commencer par leur date. En effet, elles sont parfois en rapport avec la fête d’un Saint, d’un cycle religieux (exemple : Carême) ou avec une activité saisonnière (exemple : la foire aux côtelettes de Luz-Saint-Sauveur, qui célèbre la descente des moutons de retour des pâturages d’été). Néanmoins, de plus en plus souvent, la date est fixée : le deuxième week-end d’août, par exemple. L’organisation même de la fête est un rituel dans la vie de la population locale : préparation de chars, décoration des villages, répétitions des animations, confection de victuailles se préparent tout au long de l’année.

L’événement aussi est ritualisé : procession de chars, de fanfares, animations diverses, interventions des confréries… Les rituels ont surtout un caractère profane, mais ils appartiennent parfois au domaine du sacré. C’est le cas à Richerenches où, lors d’une messe spéciale, les offrandes sont exclusivement faites de truffes noires, qui donneront lieu à une vente aux enchères, à caractère caritatif. Beaucoup de ces manifestations prennent aussi un caractère folklorique. On trouve ainsi, entre les étals des commerçants, des dégustations, des démonstrations de savoir-faire (vieux métiers…) ou folkloriques (costumes, musique, chants, danses…) des défilés (chars, fanfares… auxquels participe souvent la population) où se joignent parfois les confréries (qui organisent la manifestation, proposent des animations, procèdent à des intronisations…). On trouve beaucoup plus de particuliers, d’éleveurs et de producteurs que sur les marchés. Ces manifestations sont parfois réservées aux seuls petits producteurs. La seule condition pour participer : s’inscrire auprès de l’organisme organisateur.

Au sein de ce type de manifestations, on distingue celles qui ont une vocation professionnelle de celles qui s’adressent à tout le monde. Parmi les S.R.G., sept fêtes ou foires organisent des concours, qui constituent parfois l’événement lui-même, comme les Quatre Glorieuses de Bresse ou la fête du charolais, réservées plus particulièrement aux professionnels. Néanmoins, même dans ce cas, des animations ‘«’ ‘ populaires’ » sont organisées aux alentours et le public peut assister, en retrait, à la manifestation. Pendant que les jurys procèdent à leurs observations, personne ne peut circuler dans les rangs des barrières interdisant le passage mais laissant tout de même voir le déroulement des opérations. Durant la vente des vins des Hospices de Beaune, le public est séparé des acheteurs potentiels.

Parmi les manifestations annuelles classées S.R.G. s’en distinguent deux qui ne sont ni des foires ni des fêtes : la messe des truffes de Richerenches et la vente des vins des Hospices de Beaune. Dans les deux cas, il s’agit de ventes aux enchères : la première est faite au profit de la paroisse, la seconde est destinée à l’entretien du domaine viticole, du musée et de l’achat de matériel médical. Nous ne nous attarderons pas trop sur ces manifestations, issues de l’ingéniosité de personnalités qui cherchaient à obtenir des fonds. La messe des truffes est née en 1946, à l’initiative du père Michel, curé de l’époque, afin de permettre l’entretien de sa paroisse. La messe des truffes et la vente aux enchères qui s’ensuit est très spectaculaire – au sens théâtral du terme – de même que la vente aux enchères de Beaune, créée en 1825 pour permettre le fonctionnement des Hospices. Celle-ci est menée par un commissaire priseur qui procède selon la méthode appelée ‘«’ ‘ vente à la bougie’ ». Les enchères sont reçues pendant la durée de deux ‘«’ ‘ feux’ ». Sont mis en vente de nombreux lots, soit au total, 577 pièces 137 en 1998 pour 617 en 1997. En 1998, le prix moyen de la pièce s’est établi à 42 806 F (39 949 F pour les vins rouges et 55 798 F pour les vins blancs). La vente a rapporté au total 24,7 millions de francs. Une pièce de charité est également mise en vente à cette occasion, dont le bénéfice est reversé à une œuvre caritative représentée par un parrain ou une marraine président(e) de la manifestation de l’année. Ainsi, en 1998, cette pièce acquise à 300 000 F était au profit de l’association ‘«’ ‘ La chaîne de l’espoir’ », émanation de Médecins du Monde, représentée par Sandrine Kiberlain et Anouck Aimée 138 . Les acquéreurs peuvent être des particuliers (restaurateurs, hommes du spectacle…), mais ce sont surtout des négociants, dont beaucoup d’Anglais, d’Allemands et d’Américains. Chaque pièce sera mise en bouteilles et portera le nom de l’appellation, de la cuvée et du millésime. Cet événement est très médiatisé et très couvert, y compris à l’étranger (de nombreux journalistes étrangers retranscrivent l’événement et suivent l’évolution des enchères). Dehors, des spectacles de rue et quelques étalages de produits alimentaires et de stands de restauration à emporter sont proposés au public qui peut – difficilement – se glisser dans la halle pour tenter d’observer le déroulement de la vente aux enchères, étant retenu à l’arrière par des barrières.

Notes
137.

Une pièce de vin comprend 228 litres soit environ 300 bouteilles de 75 cl.

138.

Actrices françaises.